CARTOGRAPHIE DES PLANTES
Ce site web cartographique vise à illustrer les rapports entre les plantes et la littérature et à mettre en évidence la mobilité du végétal dans et hors des textes. Malgré leur apparente fixité, les plantes circulent, elles voyagent d’un lieu à l’autre, d’un récit à un autre. La plante agit ici comme point nodal : elle est à la fois le point de départ de la navigation et la matrice qui sous-tend la logique du parcours, prenant la forme d’une arborescence. Chacun des trois points d’entrée (plante, roman ou fonction) offre donc un parcours différent, sans hiérarchie, favorisant le « saut » d’un aspect à un autre. En ce sens, le site agit comme une fenêtre s’ouvrant simultanément sur les dimensions littéraire (les récits dans lesquels on la trouve, quelques citations choisies), botanique (connaissances scientifiques et médicinales) et géographique (lieu d’origine, migrations, importations/exportations, etc.) de chaque plante. L’outil d’agrandissement intégré à la carte des biomes ainsi que les cartes spécifiques à chaque récit permettent de passer de l’échelle mondiale à l’échelle locale, du général au spécifique. La navigation évolue ainsi au gré de la curiosité de l’internaute, suivant son flot de pensée. Advenant une dérive, elle peut toujours être ramenée au point de départ en appuyant sur l’icône de la rose des vents. Bonne exploration!
« Les orties n’ont besoin de rien d’autre qu’elles-mêmes pour se protéger, et si elles s’échappent parfois, lançant leurs racines à l’assaut de terrains mitoyens, ce n’est pas une barrière, aussi menaçante soit-elle, qui les empêchera de voyager. Pour conquérir le monde, l’ortie rampe sous terre. Elle ne fait pas de bruit. Dire que les plantes sont immobiles est une ineptie. » (160)
LE PALAIS DES ORTIES
AUTEUR.TRICE: Marie Nimier
ANNÉE DE PARUTION: 2020
PRÉSENTATION DE L'AUTEUR.TRICE:
Marie Nimier est une romancière et parolière française née à Paris en 1957. Elle écrit romans, chansons, albums pour enfant et pièces radiophoniques, en plus d’écrire pour le théâtre. Son œuvre compte aujourd’hui plus d’une trentaine d’ouvrages. Le palais des orties est son plus récent roman ; c’est aussi le premier qui interroge le végétal de façon directe et sensible.
RÉSUMÉ:
Le palais des orties raconte l’histoire de Nora (narratrice) et de l’arrivée sur la ferme qu’elle possède avec son mari, Simon, et ses deux enfants, Anaïs et Noé, de Frederica, venue en renfort en échange du gîte et du couvert. La ferme familiale, reprise des mains des parents de Simon, ne produit alors plus qu’une chose, des orties, méritant de ce fait le titre de « reine » du palais du même nom. Très vite, la jeune Frederica, au passé obscur, aux manières envoûtantes et aux origines métissées, trouble la paix fragile qui règne sur les lieux. La woofeuse, que le récit identifie à l’ortie elle-même, prend en effet lentement possession du territoire et de ses occupants, jusqu’à un conflit final avec des hommes qui survient lors de la fête du village. Le roman donne ainsi à voir une lente substitution (subversion) de culture, où le végétal, associé au féminin, et plus particulièrement à l’amour féminin, supplante l’animal, associé au masculin. Le palais des orties est en même temps, par une sorte d’anthropomorphisme inversé (ce n’est plus la plante qui prend des traits humains mais l’inverse) l’histoire de la conquête du coeur de Nora par Frederica et de celle de l’ancien élevage par l’ortie, plante fascinante et combative.
RESSOURCES ADDITIONNELLES:
site web sur l'autrice
CHOIX DE CITATIONS:
« Dans le langage des fleurs, l’ortie symbolise la trahison, et pourtant je ne connais pas de plante plus fidèle, ou loyale, et quoi encore? Plus constante. L’ortie est une culture à haut rendement, peu de perte, peu de prédateurs, trois récoltes par an. Les jeunes pousses se cueillent le matin à la lune montante. [...] Pour une récolte artisanale, dans les bois ou les terrains vagues, on peut couper les tiges à mains nues, en les pinçant à la commissure, juste sous un groupe de feuilles. » (76)
« Tu dois t’y préparer, savoir qui est en face de toi. Nos orties sont cultivées, pas domestiquées. Il faut se mettre à leur place. Tu approches? Elles se défendent, rien de plus naturel. Et pour se défendre, elles ont à leur disposition une armée de lances, de minuscules seringues en silicium qui injectent un poison stocké dans une ampoule située à la base des poils. À peine tu touches que l’aiguille se casse et reste dans la peau. » (79)
« Les orties sont des plantes rudérales, du latin rudus ruderis, décombres. Comme la pensée tricolore, le mouron des oiseaux, les chardon ou les pissenlits, elles aiment les friches, les terres abandonnées et, de manière plus générale, s’installent sur des sols sans compétition, souvent altérés par les mains de l’homme. Leur cycle de vie est court, leurs propriétés, innombrables. Fred n’était pas arrivée seule au Palais, elle était venue avec son histoire, et son histoire s’était répandue sur nous comme les orties prospèrent en terrain perturbé. Ensemble, nous avions réussi à repousser le passé. Les insultes des hommes avaient ravivé la douleur. » (250)
PLANTES RÉPERTORIÉES:
Ortie
Canne à sucre
« Une plante, parfois, saute le mur et franchit la frontière du jardin. La graine a sauté dans le sentier, chez le voisin, dans la rue. Ici un peu de persil a bien du mal dans le goudron, là c’est un pavot. Une courgette est partie sur le chemin : les passants en ont piétiné l’extrémité. Le potiron – dont on dit qu’il “court” – est passé sous les groseilliers et mûrit un fruit dans le jardin mitoyen. Le poirier, en l’air, a franchi la séparation invisible et il est entendu que les fruits appartiennent au voisin. » (36-37)
TOUT JARDIN EST EDEN
AUTEUR.TRICE: Marie Rouanet
ANNÉE DE PARUTION: 1993
PRÉSENTATION DE L'AUTEUR.TRICE:
Femme de lettre et ethnologue française, Marie Rouanet écrit des ouvrages romanesques et poétiques alliant les mots au comestible, aux odeurs et aux textures. Des titres comme La Cuisine amoureuse courtoise et occitane (1990), Je ne dois pas toucher les choses du jardin (1993), Tout jardin est Eden (1993), Petit traité romanesque de cuisine (1997) et Paroles de gourmandises (1998) témoignent de son intérêt récurrent pour le jardin et la cuisine. Elle compose et interprète des chansons en langue d’Oc en plus d’avoir réalisé huit films documentaires sur les phénomènes religieux.
RÉSUMÉ:
On entre dans Tout jardin est Eden (1993) comme on pénètre dans l’enceinte d’un potager : l’écriture luxuriante et dense rappelle le feuillage des plantes derrière lesquelles se dessinent les formes et les couleurs des fruits et légumes. À mi-chemin entre l’essai, le récit de flânerie et la poésie en prose, l’ouvrage fragmenté dévoile peu à peu les lieux et les moments du jardin. Le passage des saisons se remarque lors de la métamorphose des fleurs en fruits, au moment où les légumes prennent des couleurs, quand le gel recouvre les feuillages. Les plants circulent du jardin vers l’intérieur de la maison, traversent les clôtures et les limites arbitraires du potager. Ils meurent et laissent des graines qui seront plantées à nouveau : un éternel cycle des morts et des renaissances. Le jardinier ou la jardinière, c’est l’autrice; le lecteur et la lectrice, c’est le « on » indéfini qui donne le loisir de s’imaginer labourer la terre, admirer les couleurs de la nature et croquer les tomates juteuses. La forme fragmentaire, la séparation des thèmes mime l’ambition humaine de maîtriser la nature lors de la création d’un jardin. Si tout jardin est Eden, tout jardinier est Dieu créateur.
CHOIX DE CITATIONS:
« Les herbes folles ne sont pas plus tolérées que les cailloux. Toutefois, de la crête du mur ou du bord du toit de l’appentis, descend en pendentifs roses l’herbe à Robert qui vit de rien. Il pousse quelques sedums et cétérachs, des mousses qui fleurissent aussi fines que des fils et, en fin de saison, toutes blondes, captent le soleil et transforment les tiges transparentes en écriture menue, incompréhensible et lumineuse. » (17)
« Entre pouce et index, on écrase les capsules : celles du bouquet-fait, des ancolies, des pavots, de la gueule-de-loup semblable – avec son œil, son rostre de corne et sa bouche qui jette la graine – à une tête de crevette, celle du baguenaudier, vessie en forme de cœur. On souffle pour évacuer les débris des réceptacles et on récupère une graine parfois infinitésimale. Au creux de la main on fait glisser la poussière de poivre du céleri, les minuscules tiges ligneuses, comme cassées du salsifis, les grenailles de tous les gris de tous les choux, la poudre granuleuse brun-rouge du navet des vertus, les lunes noires des asperges. » (56-57)
« Au coin des vignes, ces figuiers multiples, encombrés de rejetons, parlent de jardins disparus. La terre a été si bien désherbée qu’elle en garde la mémoire. Avant que ne flambent les ronciers, dans l’espace presque nu, un poireau fleurit, une vigne rampe au sol, redevenue sauvage. Une roue de noria se hausse au-dessus des herbes, rapetisse d’année en année comme une lune décroissante. Son arc s’inscrit contre le ciel de l’aube. Un rosier, une murette témoignent. » (107)
PLANTES RÉPERTORIÉES:
Pomme de terre
Rosier
Figuier
COMMENT FAIRE UNE DANSEUSE AVEC UN COQUELICOT
AUTEUR.TRICE: Mona Thomas
ANNÉE DE PARUTION: 2004
PRÉSENTATION DE L'AUTEUR.TRICE:
Mona Thomas est née en 1952 à Guingamp (Côtes-d’Armor), en France. Devant la maison familiale s’étend une prairie remplie d’iris et d’insectes. Durant son enfance, elle voyage beaucoup, apprend à écrire sur l’île de Madagascar, puis écrit ses premiers textes au dos de cartes postales qu’elle envoie à ses grands-parents. Dans ce cas, l’écriture est marquée du sceau du mouvement, du voyage qui, écrit sur place puis envoyé en France, fait un pont entre la terre natale et la terre traversée. Bien que Thomas n’ait pas de formation en botanique, elle grandit en s’occupant d’un carré de terre dans le jardin de sa grand-mère. Comme cette dernière est passionnée par les fleurs, l’enfant s’ouvre rapidement à l’univers des plantes. Plus tard, elle continue à s’occuper de son jardin et de celui de ses amis, qu’elle aide parfois.
Le premier roman de Thomas, Alar, est publié en 1995. Depuis, elle a publié plusieurs autres romans et essais d’art contemporain. Le parcours d’écrivaine de Thomas est très varié, qu’il s’agisse de la forme de ses écrits; roman, essai, dramaturgie, traduction, critique, ou encore des sujets dont elle traite, tels que les arts visuels, la littérature et l’écriture de fiction. Aujourd’hui, Thomas poursuit sa carrière d’écrivaine tout en enseignant dans différentes écoles dans la ville de Paris et ses alentours.
RÉSUMÉ:
Comment faire une danseuse avec un coquelicot est un roman fragmentaire et anecdotique qui prend parfois la forme de réflexions sur les arts ou le jardin (avec même quelques conseils de jardinage présentés) et raconte des moments de lecture entre la narratrice et son fils. Se rapprochant de la forme journalistique, chaque nouvelle entrée met en scène une trame particulière du récit, les amenant à s’entremêler. Ainsi, les jours de lecture, les moments occupés au jardin ou encore les déplacements en train et en vélo, se suivent et se mélangent. L’histoire prend place de mars à juillet, durée pendant laquelle la narratrice et Jacob, son fils, lisent la trilogie du Seigneur des Anneaux de J. R. R. Tolkien. La narratrice crée des liens intertextuels avec ce récit, certains extraits de la trilogie lui permettant de relever la vision anglaise du jardin (ainsi que l’aspect magique de la fantasy), et stimulant des réflexions sur les jardins, les arbres et le rapport à la terre. Par ailleurs, le printemps et l’été sont des saisons propices à l'entretien du jardin, liant conséquemment l’expérience de lecture à celle du jardinage. Dès lors, qu’il s’agisse du jardin de la narratrice, où Jacob apprend à s’occuper des plantes, ou de tous les jardins vus à partir du train, en vélo ou en visite chez des amis et des voisins, cette figure spatiale est toujours présente. Ceci occasionne des contacts multiples avec diverses espèces végétales qui sont alors nommées et décrites.
CHOIX DE CITATIONS:
« - Les mauvaises herbes, dit-elle, il y en aura toujours. Mais en serrant les plants comme vous faites, on empêche l’installation tapissante des indésirables. On couvre le terrain de fleurs choisies au lieu de laisser la place aux orties. En mélangeant les types, les essences, on freine sacrément les maladies du ciel et du sol. Les plantes sont plus fortes ensemble pour lutter. Au jardin, la force est dans la diversité. Vous souriez. Avec une pelouse-produit-bégo, que devient l’échange des plantes? Sans le don de fleurs, vous savez bien, sans ce premier geste jardinier, on n’a pas de beau jardin, vivant, dans la durée ». (34)
« Gare de La Frette-Montigny, invasion de lilas. Explosion parfumée par la fenêtre du train. Frémissement violet dans le vent. Île-de-France, pays du lilas. Juste après La Frette, jardins en pente confondus avec l’herbe du coteau en large aplat uni. Balançoire et épingles à linge de couleur distinguent la zone habitée du grand coteau herbu. Au bord d’un potager, un lilas blanc se la pète au milieu de tous ceux couleur lilas ». (69)
« C’est la nuit, Frodon croit entendre des pas derrière lui. Le nain Gimli, qui marche à son côté, s’arrête et se penche jusqu’à terre : - je n’entends que la voix nocturne des plantes et des pierres, dit-il [...] je me demande à quoi peut ressembler la voix nocturne des plantes et des pierres [...] des arbres qui pleurent, je vois bien des arbres pleurer. Les larmes des jacarandas, des bougainvillées en Afrique, dans la “Grande-Île”, sur le chemin de l’école. Combien de fois ai-je regardé les fleurs bleues aux violettes emmêlées, grandes clochettes interrogatives des arbres-lianes, la larme lente au milieu. Pourtant, je ne les ai jamais entendues ». (85-86)
« J’avais préparé une salade du jardin, toutes simples mêlées, sel, poivre, un trait de vinaigre, un trait d’huile d’olive. Jean-Luc a dit : – On ne trouverait pas une salade comme ça au restaurant.
– Ah bon? Jacob surpris regarde notre hôte puis, longuement son assiette. Pourquoi? Et lui qui d’ordinaire enfourne, se met à mâcher. Lentement.
– Parce que, dit Jean-Luc [...] ce n’est pas une salade, c’est une composition. La mâche est sauvage et la roquette cultivée. Il y a des fleurs de ciboulette et des graines de coriandre. De la coriandre fraîche, du persil plat et un soupçon de deux menthes. Quelques capucines pour la couleur. Du basilic, très peu. Et de l’estragon. C’est une variété de verdures et d’herbes, c’est une création due à ce jardin, à ce moment de la saison et à ta maman [...] alors, vois-tu, cela mérite d’être savouré. Il savoure. Il fait connaissance avec chaque brin de vert ». (177)
PLANTES RÉPERTORIÉES:
Pomme de terre
Rosier
Ortie
« Moi qui cherche les plantes, je vois bien ce que les hommes en ont fait : des vagabondes. Partout où ils vont elles vont. Je trouve au Chili des rosiers chinois alors que ce continent ne comptait aucune espèce de rose. […] Un jardin, n’importe quel jardin, est un index planétaire, on doit le regarder aujourd’hui comme un ensemble de compatibilités de vie – un biome – dont chaque espèce est en relation avec les espèces mères du continent. » (37)
THOMAS ET LE VOYAGEUR
AUTEUR.TRICE: Gilles Clément
ANNÉE DE PARUTION: 1997
PRÉSENTATION DE L'AUTEUR.TRICE:
Paysagiste, entomologiste, essayiste et romancier, Gilles Clément se démarque par ses théories qui repensent radicalement le paysage. Il est l’auteur de plusieurs essais, dont Manifeste du Tiers-Paysage, La Sagesse du jardinier et Où en est l’herbe?. Sa conception du jardin, résolument politique, est également mise en application de manière concrète. Dès 1977, dans son jardin installé dans la Vallée de la Creuse, Clément expérimente la friche, dont il tirera la notion de « jardin en mouvement ». C’est dans son roman-essai Thomas et le voyageur qu’il développe pour la première fois l’idée du « jardin planétaire », décrivant la Terre comme un seul et grand jardin diversifié dont les humains sont les gardiens.
RÉSUMÉ:
Dans Thomas et le voyageur, Gilles Clément développe pour la première fois la notion de « jardin planétaire », par le biais d’une fiction qui emprunte souvent au ton de l’essai. Sous la forme épistolaire, les personnages du Voyageur et de Thomas, un peintre solitaire, échangent au sujet d’un objectif commun : la création d’un tableau qui représenterait le jardin planétaire. Alors que le Voyageur parcourt le monde, de la Tasmanie à l’Afrique du Sud, Thomas demeure à la propriété de Saint-Sauveur de Givre en Mai, habité par les souvenirs d’explorations de son oncle Piépol. Au fil de leurs échanges, les deux comparses développent une liste de mots-concepts qui leur semblent importants pour l’élaboration du jardin planétaire : horizon, herbe, érosion, ville, ombre et feu. Malheureusement, leur tentative de représentation se solde finalement par un échec.
Si les plantes ne circulent pas physiquement, elles sont racontées et photographiées, s’insérant dans un bric-à-brac de souvenirs rapportés (photographies, cartes, collection entomologique). L’imaginaire botanique se lie ainsi intimement aux souvenirs des pays visités, de même qu’aux gens rencontrés, puis quittés. Par ailleurs, le récit s’achève sur une suite d’annexes, qui décrivent en détail les figures scientifiques dont les noms propres sont cités durant le récit, de même que les lieux visités et nommés. De plus, les plantes rencontrées par le voyageur sont présentées sous la forme de repères botaniques, où figurent nom vernaculaire et scientifique, aire géographique, description sommaire et pensées au moment de la rencontre du Voyageur avec ces plantes. Fiction et réel se trouvent donc entremêlés autant dans le récit que dans les annexes présentant la carte des déplacements du Voyageur, de même que des outils théoriques sur la répartition des formations végétales dans le monde. De tels outils viennent ainsi enrichir la notion de circulation des plantes, en liant la représentation cartographique des déplacements du Voyageur à sa rencontre fictive avec les plantes (indigènes et envahissantes) et aux grandes expéditions réelles qui l’ont précédé.
RESSOURCES ADDITIONNELLES:
site web sur l'auteur
CHOIX DE CITATIONS:
« Imaginez qu’un lien soit tendu entre l’acacia de Robin, au Jardin des Plantes à Paris, et ses congénères américains, cela tracerait une ligne au-dessus de l’Atlantique. » (38)
« Les vipérines colonisent les plaines d’Adélaïde. Magnifique. On signale une avancée de la petite brize dans les gorges de Georgetown et partout la valériane d’Europe tapisse les coteaux abrupts de Tasmanie. Superbe. Continuez à nous tenir informés, dites-nous où en sont les digitales, les molènes, les fougères-aigles, l’ajonc, le pâturin mais aussi l’armoise de Sibérie en Espagne, le rosier de Chine au Chili, le pavot de Californie en Nouvelle-Zélande, l’acacia d’Australie au Cap et la caulerpe en Méditerranée. » (175)
PLANTES RÉPERTORIÉES:
Rosier
Fougère
« J’ai vu des jardins sur les toits de Paris et perchés tout en haut des gratte-ciels de New York, dans des palais de marbre et dans des bidonvilles, dans des pays de glace comme au cœur des déserts brûlants, j’en ai vu de sublimes, et d’autres pathétiques, certains pleins de gazouillis d’enfants, d’autres derrière des murs de prisons, sur des paquebots, sur des péniches, il me semble même en voir sur la lune quand elle est bleue. » (129)
JE VOIS DES JARDINS PARTOUT
AUTEUR.TRICE: Didier Decoin
ANNÉE DE PARUTION: 2012
PRÉSENTATION DE L'AUTEUR.TRICE:
Didier Decoin est un auteur d’origine française, né en 1945. Romancier, scénariste, journaliste, membre de l’Académie Goncourt, il est d’abord un littéraire prolifique, puis un jardinier amateur. Ces ouvrages mettent au premier plan sa relation amoureuse avec les objets qui l’entourent (comme l’indiquent ses Dictionnaire amoureux de la Bible, 2009, et Dictionnaire amoureux des faits divers, 2014). Ses textes récents tels Avec vue sur la mer (2005), Je vois des jardins partout (2012) et Le Bureau des jardins et des étangs (2017) plongent directement dans l’espace du jardin.
RÉSUMÉ:
Je vois des jardins partout est un essai, le récit de voyages racontés par le narrateur-auteur : ses voyages pour découvrir les jardins les plus extraordinaires de la terre, ses voyages imaginaires au pays de la fiction, ses voyages dans la mémoire des souvenirs d’enfance, ses rencontres avec des jardiniers célèbres, du présent ou du passé, et, parfois même, avec des personnages fictifs. C’est aussi la projection d’un regard, celui de l’écrivain, sur les espaces qui l’entourent : voir des jardins partout c’est voir des palmiers exotiques en regardant des platanes, c’est voir Vita Sackville-West marcher dans ses jardins des dizaines d’années après sa mort, c’est sentir le pipi de chat et s’imaginer au Brésil, près des nénuphars géants. Voir des jardins partout implique aussi d’anthropomorphiser le végétal, d’imaginer des poses de nageuses, des princesses ou Fred Astaire dans la forme statique de la plante et, à l’inverse, d’imaginer des jardins où il n’y en a habituellement pas : dans le métro, dans la ville, dans les friches d’herbes sauvages qui bordent la route en direction du « vrai » jardin qu’on s’apprête à visiter. Je vois des jardins partout privilégie donc l’axe du jardin, proposant un regard esthétisant à l’égard des objets sur lesquels il se pose.
Du souvenir d’enfance jusqu’au moment de l’écriture, deux fils conducteurs s’entrecroisent tout au long du récit de voyage, tissant des réseaux de sens tels les rhizomes sous la terre : l’odeur et l’imaginaire. Le souvenir d’enfance d’abord est le moment de la découverte du végétal et de la littérature. Les premières lectures au parc, dans les jardins, sous les arbres nourrissent par la suite le regard de l’écrivain qui projette l’imaginaire des romans d’aventures sur ces lieux de jeux où le végétal est décor et tremplin vers des pays exotiques, des scénarios périlleux, des jungles luxuriantes. Parallèlement, l’enfance est aussi le moment de la découverte des odeurs : l’enfant-bourdon butine et emplit son imaginaire des effluves du parc où se déroulent les promenades en famille. Ces odeurs font voyager au-delà des frontières du temps et du réel. Elles évoquent les souvenirs, les lieux lointains, les expériences passées. L’écrivain fantasme aussi sur les parfums des figures qui animent son imaginaire : Vita Sackville-West et Madame Bovary. Inspirer, c’est s’inspirer du monde, des fleurs et des herbes folles coupées dans le jardin d’enfance. Des liens sont aussi tissés entre le travail de jardinage et celui de l’écriture : l’espace du jardin à planter est l’espace de la page blanche; un arbre qui meurt, c’est un écrivain qui a perdu son inspiration. Langage et végétal s’entrecroisent constamment dans la forme du mot et dans sa symbolique.
Enfin, le voyage végétal se révèle une histoire d’amour, d’amitié, de communauté rassemblée par la passion des roses et des jardins, par le partage des connaissances. Les anecdotes sont présentées comme autant de sagesses du jardin transmises au sein de la communauté et traduisant un ensemble d’états émotifs propres au travail du jardin : frustration, espoir et désespoir, prospection, bonheur, tristesse, rire et deuil.
CHOIX DE CITATIONS:
« Argentées ou d’une blancheur candide, contrastant avec un miroir d’eau d’un noir d’encre où la lune semble flotter à la façon d’un immense nénuphar, les plantes qui le composent ont été choisies pour leur capacité à refléter la lumière de la lune, ainsi que pour les parfums qu’elles exhalent dans l’obscurité – un assemblage capiteux de jasmin, de chèvrefeuille et de ces belles-de-nuit si bien nommées qui, filles de la famille des solanacées comme la fleur de tabac, développent de gourmandes fragrances d’épices, de vanille, de fruits secs (melons et figues) et de miel. Lorsque l’obscurité s’épaissit, les feuillages argentés s’estompent à leur tour ; alors ne subsiste plus que la gloire immaculée, diaphane, éthérée, des fleurs blanches, lys royaux, chèvrefeuilles, polianthes tuberosa aux fragrances jasminées, balsamiques, orientales, aux notes ensorcelantes d’orange, d’amande et de miel. » (36-37)
« Mais revenons à notre nénuphar qui, en plus d’avoir des coquetteries orthographiques, est un sacré paresseux. Ou bien alors, un grand timide. Car sa fleur, qui a les couleurs et la texture des guimauves […], une des plus tire-au-flanc du règne végétal, met rarement un pétale dehors avant dix heures du matin, alors que la plupart de ses adulateurs sont déjà loin, courant de réunion en réunion, ou encore englués dans les bouchons aux portes des villes, et la belle se rendort vers seize ou dix-sept heures, donc bien avant que les mêmes adorateurs, de nouveau embouchonnés, soient de retour devant leur pièce d’eau ; sachant que ladite fleur a une durée de vie qui n’excède guère trois ou quatre jours, il est vain d’espérer se rattraper en fin de semaine. On peut ainsi élever une dizaine de nénuphars (c’est mon cas), voire plusieurs centaines […], et passer complètement à côté de leur floraison. » (58-59)
« Or mon engouement pour les nénuphars n’a d’égal que celui que j’éprouve pour les palmiers qui, eux, ne fuient pas ma vénération. Le palmier est l’arbre le plus généreux de la Création. Nous consommons sans retenue ses dattes, ses noix (de coco), son sagou, son sirop, son huile, le chanvre qui fait de lui un arbre en peluche, et même ses chenilles – au Gabon, on se régale de celles du palmier à huile qui, sous le nom de tsoumbi, se dévorent frites ou enrobées de beurre de cacahouète, voire de chocolat [...] Outre sa succulence, on tire du palmier des substances thérapeutiques et des matériaux de construction (on peut construire une maison, depuis le toit jusqu’à la cave, en faisant appel aux seuls palmiers : stipes, feuilles, folioles, frondes, fibres, tout est utilisable). » (63-64)
« Pourtant, sous la terre, le jardin progresse. Chaque saison, sans que cela m’apparaisse, mes amis les rhizomes, ceux des iris, des bégonias, des euphorbes, du muguet, des fougères – mais aussi du chiendent – conquièrent de nouveaux territoires souterrains. » (100)
« Le potager était une source d’émerveillement. Ma sœur et moi avions hérité deux parcelles miniatures (2m2 chacun, et je compte large!) où nous faisions lever deux brins de cerfeuil, trois radis, quatre épis de blé – un carré de soleil posé à terre, comme disait Francis Jammes. Il y venait quelquefois un coquelicot, sans qu’on sache trop pourquoi, son apparition avait quelque chose d’un tour de magie, je sais aujourd’hui que c’était un cadeau des oiseaux. » (216-217)
PLANTES RÉPERTORIÉES:
Rosier
Fougère
Orchidée
Ortie
Figuier
« La serre commence à entrer dans une forme d’autonomie comme tout écosystème. […] Le jardin sent le citron et le miel. Le chèvrefeuille s’est déployé et recouvre plusieurs des cuves contenant des substances chimiques. J’en ai installé un autre pied près de l’escalier conduisant aux étages. Lui aussi s’est enraciné et grimpe déjà sur la rampe. Les oiseaux investissent peu à peu la serre. Ils viennent s’y nourrir, nidifier. Deux merles ont passé l’hiver à gratter la terre, un rouge-gorge utilisait les rambardes des étages pour se lancer vers le sol puis remonter, plusieurs hirondelles survolent l’usine d’est en ouest, de l’intérieur, comme s’il ne s’agissait pas d’un lieu fermé. Les insectes aussi sont de plus en plus nombreux. » (240-241)
LE PAYS OÙ LES ARBRES N’ONT PAS D’OMBRE
AUTEUR.TRICE: Katrina Kalda
ANNÉE DE PARUTION: 2016
PRÉSENTATION DE L'AUTEUR.TRICE:
Katrina Kalda est née en 1980, à Tallin en Estonie. Elle arrive en France à l’âge de 10 ans et adopte rapidement la langue française non seulement dans le cadre de ses études, mais aussi pour la rédaction de ses romans. Le premier, Un roman estonien, paraît en 2010, le second, Arithmétique des dieux, en 2013 et le plus récent, Le pays où les arbres n’ont pas d’ombre, en 2016. Tous sont publiés chez Gallimard. En plus de se consacrer à l’écriture, Kalda travaille comme bibliothécaire universitaire à l’Université de Tours depuis 2015. Sa formation académique est centrée sur la littérature, l’autrice ayant étudié la littérature comparée à l’École normale supérieure de Lyon. Le pays où les arbres n’ont pas d’ombre est le seul roman où elle aborde les thématiques du végétal et de la botanique.
RÉSUMÉ:
Le pays où les arbres n’ont pas d’ombre est un roman dystopique porté par les voix de trois femmes d’une même famille – Sabine, Astrid et Marie – respectivement la grand-mère, la mère et la fille. Nous les rencontrons au moment où elles doivent apprendre à survivre, suite à leur déportation dans la Plaine, une excroissance industrielle insalubre, hostile et polluée située au milieu de nulle part et destinée à retraiter les déchets produits par la Ville. Sabine, qui entretient une relation privilégiée avec le végétal, de par son éducation au Jardin d’acclimatation, commence rapidement à rechercher des plantes qui pourraient pallier les carences alimentaires de sa famille. Retrouvant le plaisir de la collation de végétaux, elle décide de produire un herbier qui recenserait toutes les espèces poussant dans la Plaine malgré les conditions environnementales horribles. Entraînée par sa passion pour la connaissance et portée par une volonté de préserver les espèces végétales de l’extinction, elle en vient à installer une serre dans laquelle un écosystème, abritant une grande diversité et fonctionnant dans une autonomie presque complète, parvient à se créer. Reflétant les diverses dynamiques trouvées dans cet écosystème, les plantes prennent toute leur importance dans le texte par leur caractère rhizomatique. Que ce soit à travers les descriptions de la serre, par la transmission de connaissances et le lien entre les personnages qu’il encourage, par les nombreux souvenirs qu’il convoque ou encore par le champ lexical qui lui est associé et qui est utilisé autant pour décrire la Ville que les humains, le végétal renvoie à un imaginaire du réseau traversant toutes les facettes du roman.
CHOIX DE CITATIONS:
« Les végétaux ne poursuivent que leur propre survie, leur propre reproduction. Ils ne prétendent pas faire quoi que ce soit pour les autres. Mais leur survie est étroitement liée à celle des autres, insectes, oiseaux, lombrics. Même nous, humains, en détournant leurs fruits et leurs graines, nous la favorisons sans nous en apercevoir. » (50)
« Les plantes, elles ne se plaisent nulle part si bien que dans ces lieux délaissés par les hommes. Dans les parties de la friche les plus proches des quartiers périphériques, la végétation est typique des sols secs très piétinés : rosettes de plantains, pâturins annuels, renouées des oiseaux, etc. Mais on s’en éloigne, on trouve une diversité d’herbes et d’arbustes. J’ai repéré de la grande camomille, encore à l’état de plantule, une espèce de vergerette reconnaissable à ses feuilles dentées et velues, de la bardane et aussi les branches sèches de buddleias dont les feuilles commençaient juste à repousser. [...] Je m’étonne qu’aucune opération de “nettoyage” n’y ait été entreprise récemment. Il est possible que les autorités trouvent un avantage à ce que la friche conserve cet aspect. À l’époque où ils vivaient encore dans la ville, la plupart des déplacés s’étaient déshabitués du contact avec une nature sauvage. Une végétation non maitrisée était le signe d’un recul de civilisation. Je ne suis pas étonnée qu’une friche comme celle-ci ne puisse éveiller chez eux que la peur et le sentiment d’être repoussés hors de l’univers humain. » (70-71)
« L’origan a recouvert toute une partie du sol d’un tapis mauve. Il s’avance même vers le béton, là où il ne semble pourtant pas y avoir un gramme de substrat. La pimprenelle se ressème un peu partout elle aussi, ainsi que les coquelicots. On repère facilement leur feuillage très découpé; j’en ai même vu dans les interstices des murs. » (109-110)
« Je ne vois plus l’utilité de garder une trace écrite de notre action ici. La serre poursuit sur son propre élan; j’hésite à cesser tout à fait d’y intervenir. Je voudrais voir ce que deviendra cet écosystème si nous nous en retirons et lui laissons la liberté de se développer. J’ai la certitude que ce qui se déploie autour de nous ici nous dépasse si largement que nous n’en sommes pas les créateurs, à peine les invités. » (320)
PLANTES RÉPERTORIÉES:
Fougère
Ortie
« Ce sont des jardins, non pas à la française ni à l’anglaise, mais sinueux, mélangés, semés selon un plan qui doit ressembler à la magie plutôt qu’à un ordre logique. Comme si les mains qui les ont semés avaient suivi le parcours de forces souterraines, de courants spirituels, lieux de naissance, sources, poches minérales, tombes, dont le secret ne peut exister que dans la mémoire des hommes et des femmes de ce lieu. » (69-70)
RAGA
AUTEUR.TRICE: Jean-Marie Gustave Le Clézio
ANNÉE DE PARUTION: 2006
PRÉSENTATION DE L'AUTEUR.TRICE:
Jean-Marie Gustave Le Clézio est issu d’une famille d’origine bretonne émigrée à l’île Maurice depuis le XVIIIe siècle. Lui-même né à Nice en 1940, Le Clézio fait une entrée remarquée sur la scène littéraire française en 1963 avec Procès-verbal, pour lequel il remporte le prix Renaudot. Alors que Le Clézio semble avoir lui-même toujours voyagé, ses romans prennent eux-aussi racine dans des territoires divers et mettent en scène des personnages sans cesse en mouvement. Bien qu’il ne possède pas de formation en biologie ni en botanique, le style d'écriture engagé de Le Clézio puise à même le matériau végétal afin d'inspirer à ses lecteurs un regard critique, sensible aux effets dévastateurs des colonisations et d'une économie mondialisée sur la nature et les peuples indigènes. La place qu'occupent les plantes dans plusieurs de ses textes (voir notamment Ourania, La quarantaine, Raga et Alma) mettent en évidence la force des liens qui ont toujours uni l'humanité et la nature. Le Clézio s’est vu décerner le prix Nobel de Littérature en 2008.
RÉSUMÉ:
Dans ce journal de voyage mêlé de géographie et d’Histoire, J.M.G. Le Clézio nous invite à découvrir de l’île de Pentecôte, située dans l’archipel du Vanuatu, dans le sud-ouest de l’océan Pacifique. L’écriture fait alterner deux récits qui n’en sont en fait qu’un seul : celui des premiers habitants du continent invisible, qui ont bravé l’océan afin d’y cultiver le taro et l’igname, et celui du voyage de l’écrivain, dont le journal expose à la fois les traces d’un douloureux passé colonial et une culture vibrante profondément enracinée dans le territoire. Au fil des pages, Raga fait découvrir une pensée de la vie quotidienne, des mythes et des légendes qui parviennent à restituer une vision du monde dans laquelle le végétal occupe une place prépondérante. En racontant le débarquement des pirogues à balancier, l’écrivain mauricien nous livre l’histoire oubliée du peuple d’explorateurs qui conquit et occupa l’ensemble du territoire océanien. Le récit des habitants de cet espace plus océanique que terrestre est également celui d’une codépendance fragile entre l’humain et la nature, et d’un mode de vie à la mesure des ressources disponibles. Hélas ! C’est aussi celui de l’arrivée des Occidentaux, des rafles d’enfants et des pratiques coloniales les plus infâmes. Les observations de l’écrivain découvrent les traces de cet héritage, du champ de canne envahi de ronces semées par les derniers colons, aux effets du tourisme de masse auquel ont succombé certains secteurs côtiers. C’est pourtant à l’intérieur des terres, dans les forêts plantées de jardins sinueux d’ignames, de taros, de kavas et de pandanus que semble résider l’âme de ce lieu.
RESSOURCES ADDITIONNELLES:
Dictionnaire J.-M. G. Le Clézio.
site web sur l'auteur
CHOIX DE CITATIONS:
« Raga sera pareille à un long corps noir couché sur la mer. Raga la silencieuse aux pentes couvertes de fougères et d’arbres, Raga la muraille de lave aux sommets cachés par les nuages.» (26)
« La différence entre Raga et Maurice, c’est qu’ici le temps semble s’être arrêté au premier chapitre de l’occupation humaine. Il n’y a pas de grandes cultures comme à Maurice, champs de canne, de thé, de gingembre […] aucune trace du monde moderne. [...] Les habitants de ces lieux se sont détournés du progrès et de la vie moderne, ils se sont retournés vers ce qui les avait toujours soutenus, la connaissance des plantes, les traditions, les contes, les rêves, l’imaginaire – ce que les anthropologues ont schématisé sous le nom de kastom, la tradition. » (31-32)
« Laba rendit l’âme dans les bras de celle qu’il aimait et, avant de mourir, lui confia un secret. “Quand je serai mort”, dit-il dans son dernier souffle, “ Une liane poussera sur ma tombe, et avec elle tu teindras les nattes afin que mon souvenir reste toujours présent”. Depuis ce jour, les femmes de Raga impriment sur leurs nattes blanches leurs dessins faits avec le sang de la liane laba, et elles les mettent à sécher sur les plages, là où autrefois Mantawip rencontrait l’homme qu’elle aimait. » (44)
« Ce qui reste, dispersé, désordonné, donne l’impression d’une nature retournée à l’état sauvage, pourtant, quand on marche vers l’intérieur, quand on gravit la montagne ou qu’on suit les cours d’eau au fond des ravines, c’est la présence de plantes nourricières qui vous frappe. La forêt est sillonnée de chemins étroits, à peine visibles, et au bout de chacun de ces chemins, il y a un jardin caché. Ils sont secrets comme les villages, dissimulés de la côte dans les replis de la montagne. Ce sont les jardins de taros, pour lesquels, depuis des millénaires les Mélanésiens ont développé les techniques hydrauliques, goulets, réservoirs, canaux. Les jardins d’igname sur les pans de terre rouge. Les jardins de palmes, qui fournissent l’huile et le sagou. Les jardins de manioc. Les vergers plantés de manguiers, de goyaviers, d’orangers. Partout, à chaque instant, on découvre sous la futaie, ou dans les fourrés, des bouquets de fleurs, des plantes à parfum, des réserves médicinales. » (69)
PLANTES RÉPERTORIÉES:
Fougère
Cocotier
Caféier
Igname
« – Ici, une liane peut atteindre trois cents mètres de longueur, et certaines d’entre elles croissent à la vitesse à laquelle tourne la grande aiguille de votre montre. On peut la voir pousser. Ici, lianes, plantes, fleurs, et arbres sont dans un état dynamique permanent… Bien que tout paraisse immobile. Ici, c’est le domaine de la vie, la diversité biologique y est la plus élevée au monde. Ici plus que partout ailleurs, la nature donne la pleine mesure de ses créations, Pierre Sénéchal… Ici, la forêt est vivante. Elle respire, palpite, elle ne meurt jamais si on ne la défriche pas, si on ne la mutile pas. Ici, le Urihani règne en maître… Est-ce que vous le ressentez, cette nuit, homme blanc? Qu’est-ce que c’est, le Urihani? – L’esprit de la forêt. » (128)
MORT SUR LA FORÊT
AUTEUR.TRICE: Patric Nottret
ANNÉE DE PARUTION: 2007
PRÉSENTATION DE L'AUTEUR.TRICE:
On dit de Patric Nottret qu’il a inventé le « polar écolo ». Technicien agronome, il se passionne autant pour le monde des plantes que pour celui des insectes, qu’il met en scène dans ses romans noirs où des brigades d’« écoflics » combattent les crimes environnementaux en tous genres, notamment dans Poison vert et Mort sur la forêt. Originaire de Saint-Denis de la Réunion, il habite aujourd’hui Paris.
RÉSUMÉ:
Inspiré de l’étonnant « radeau des cimes » du botaniste Francis Hallé, développé dans le cadre d’une mission d’étude de la biodiversité sur la canopée des forêts tropicales, Mort sur la forêt est un polar vert dense et touffu, mêlant histoire de l’Amérique latine et enjeux actuels touchant l’Amazonie. L’« écoflic » Sénéchal, sorte de James Bond français, est envoyé avec son acolyte surnommé Lucrèce pour enquêter sur la disparition de deux scientifiques français ainsi que du dirigeable qui les transportait dans la forêt brésilienne. Afiliés à l’énigmatique Maria-Esperanza Saint-Louis de l’Ibama, Autochtone aux dreadlocks et aux contacts surprenants, les deux détectives s’égarent très vite dans un récit où se mêlent meurtres de grands propriétaires terriens, soja transgénique, plantations d’hévéas, insectes inconnus et cavaliers de l’Apocalypse. Dans ce roman où les lianes dissimulent sans cesse les pistes, le lectorat n’a qu’à bien se tenir : on n’entre pas dans la jungle brésilienne impunément.
RESSOURCES ADDITIONNELLES:
site web sur l'auteur
CHOIX DE CITATIONS:
« Il devait faire un effort pour se rappeler qu’il se trouvait à près de cinquantes mètres du sol. Son regard se perdait, au-delà des boudins de plastique rouge, dans une sorte de parc plein de fleurs et de broussailles qui s’étendait à perte de vue. À quelque distance, un arbre gigantesque à la sombre chevelure, aux branches noueuses et couvertes de fougères, s’élevait au-dessus de tous les autres, sa silhouette de patriarche se découpant dans le ciel (“Les arbres sont les plus grands êtres vivants de la planète”, lui avait dit Lucrèce). » (111)
« – La nature a donné beaucoup de responsabilités aux arbres, elle n’aurait peut-être pas dû. Les arbres, refuges et protecteurs de la vie… Aux États-Unis, des chercheurs ont calculé que pour obtenir un moelleux casse-croûte de Daisy, environ 250 g. de viande, il fallait détruire 75 kg de vie sauvage! Le poids d’un être humain! Ça représente vingt-cinq espèces végétales, une centaine d’insectes, une douzaine d’oiseaux, de reptiles et de petits mammifères. » (162)
« Ils observèrent tous trois la carcasse du cargo, avec son étrave inclinée et sa cheminée tordue. Les ponts supérieurs étaient entièrement recouverts par la végétation, les lianes formaient une épaisse chevelure grise qui ruisselait de la proue à la poupe. Les arbres qui le couronnaient étendaient leurs racines jusque dans les moindres structures de la passerelle. Les rares bastingages subsistants n’étaient plus que des fils rouillés de rouille torsadés, apparaissant ici et là dans les fougères qui colonisaient en groupes serrés le château arrière du géant momifié. » (231)
PLANTES RÉPERTORIÉES:
Fougère
Caféier
« De ces espèces de monuments naturels, qui vont prolonger le souvenir d’Alexandre de Humboldt, même quand il se sera presque complètement effacé de la mémoire des hommes, il conviendrait sans doute de retenir, comme étant le propre au maintien de sa renommée, celui qui est aussi le plus vivant : la humboldtie, la représentante du règne végétal, auquel, quoi qu’il prétendît, cet homme se rattachait plus intimement encore qu’aux autres principes du monde. » (205)
HUMBOLDT L’EXPLORATEUR
AUTEUR.TRICE: Pierre Gascar
ANNÉE DE PARUTION: 1985
PRÉSENTATION DE L'AUTEUR.TRICE:
Pierre Gascar, de son vrai nom Pierre Fournier, est un auteur français prolifique qui a exploré de nombreux genres littéraires (roman, biographie, essai). Né en 1916 , il reçoit le prix Goncourt pour son premier ouvrage, Le temps des morts, paru en 1953. Mesure de toute chose, source inépuisable de métaphores, matériau poétique et philosophique, témoignage du rapport de l’humain au monde mais aussi et surtout de ce que l’auteur va appelle « l’union intime des éléments de l’univers » (Humboldt l’explorateur, p.56), le végétal est omniprésent dans son oeuvre. Récipiendaire du prix Roger Caillois en 1994, il décède trois ans plus tard. Il a publié, entre autres, Le règne végétal, Humboldt l’explorateur, Pour le dire avec des fleurs et La friche, quatre oeuvres dans lesquelles les plantes occupent une place centrale.
RÉSUMÉ:
Cette biographie romancée du célèbre Alexandre Humboldt se place définitivement sous le signe du végétal. Des mousses souterraines, qu’Alexandre Humboldt répertorie dans son Florae Fribergensis specimen, à l'exubérante végétation de l’Orénoque, puis au dépouillement de la flore russe où le végétal brille par son absence, l’observation des plantes de toutes sortes est en quelque sorte le fil conducteur de cette vie d’aventure et de science. En effet, l’oeuvre de l’Allemand francophile ne se limite pas aux prouesses d’exploration – remontée du Cassiquiare, canal de partage entre le bassin de l’Orénoque et celui de l’Amazone; ascension du Chimborazo, volcan équatorial; catalogage d’une multitudes de nouvelles espèces –, elle s’inscrit aussi dans une visée scientifique autant qu’esthétique et philosophique. Si on en croit le biographe, le végétal est, pour Humboldt, la mesure de toute chose, le principe d’organisation du cosmos. Du dragonnier du Jardin botanique de Berlin, qui fonde ici l’appel au voyage, à l’orchidée mystérieuse, cette « fleur des fleurs » que l’explorateur s’acharnera toute sa vie à trouver, nous voici entraînés par la lecture dans ce grand voyage à la découverte de « cette union intime entre les éléments de l’univers », où émerge la figure du savanturier, arpenteur d’idées comme de territoires.
RESSOURCES ADDITIONNELLES:
De Vos, Sam, Enjeux de l’écriture de la nature chez Pierre Gascar, Mémoire de maîtrise, Département de Littérature et linguistique, Gand, Université Gent, 2012.
Vannerom, Eddy, « De la steppe au jardin, le végétal dans l'œuvre de Pierre Gascar », Revue MaYak, no 2, 2007. p. 73-82.
CHOIX DE CITATIONS:
« Comment n’aurait-on pas parfois le sentiment qu’avec une fleur une autre réalité, inconcevable, inaccessible, se révèle, comme par une faille du jour qui nous entoure et dont la transparence n’est peut-être qu’une invisible paroi ? Novalis, si proche d’Alexandre par son origine, sa formation, sa sensibilité, parlera de « l’éloignement infini du monde des fleurs », en entendant par là que la fleur qui s’offre à la hauteur de notre main est aussi étrangère à l’ensemble végétal dont elle semble faire partie que la lumière de notre regard l’est à notre corps, à notre matérialité et même à notre « actualité ». L’orchidée rapproche de nous, aussi peu que ce soit, cette nature supérieure enclose dans ce que nous appelons la nature ». (52)
« Ce ne sont pas seulement l’aspect ou les caractères étranges des arbres inconnus, tel le quama, aux fleurs argentées, tel le cascarille, à l’écorce odorante, ou ceux de certaines plantes, telle cette graminée de cinq mètres de haut, qui les dépaysent, c’est aussi la transfiguration de certains végétaux qui leur étaient familier, en Europe. Le mélastoma, arbuste dont les fruits laissent la bouche noire, ou les pothos, à la tige gorgée de suc, les surprennent moins que cette glycine aux feuilles énormes et d’un vert très foncé, ce myrte, aux fleurs rouges et à l’odeur de camphre, ou cette lobelia inflata, la lobélie enflée. » (65)
« Une orchidée encore inconnue des botanistes les y attend. Ils la trouvent alors qu’ils viennent de débarquer à Acapulco et se dirigent vers Playas de Coynca. C’est la fantastique lælia majalis, dont les fleurs, solitaires, ont jusqu’à quinze centimètres de diamètre. Elle ressemble assez à un cattleya géant, mais, fait observer aussitôt Bonpland, elle possède huit pollinies, quand les cattleyas n’en ont que quatre. Seul un certain Hernandez, historien des terres indiennes, a parlé, jadis, dans ses écrits, de cette splendide fleur. On ne l’a cru qu’à moitié. Alexandre et Bonpland transporteront son tubercule en Europe, mais pour rien, car on ne connaît pas encore le moyen de faire refleurir les orchidées. Quoi qu’il en soit, la lælia majalis couronne superbement, alors qu’il se termine, le voyage d’Alexandre et de Bonpland, qui aura été, en grande partie, un voyage à travers le règne végétal. » (133)
« Alexandre et Bonpland emportent quarante-cinq caisses emplies de 60 000 spécimens botaniques, de minéraux, d’échantillons de terre, d’animaux naturalisés et réduits à leur squelette, d’insectes desséchés, de papillons, [….]. De quoi constituer, en Europe, un musée très complet de l’Amérique équinoxiale. » (139)
PLANTES RÉPERTORIÉES:
Orchidée
Cocotier
« Dans l’espace du jardin, tout devient vibrations, allégresses, impatiences. Des bourdonnements ivres, des abeilles qui se tortillent au fond des corolles humides, des rendez-vous ailés, des fièvres à l’échelle de l’infiniment petit. Dans la transe, les couleurs se renforcent, les parfums se font capiteux. […] En avril, le jardin n’est plus qu’un champ de copulation, un lieu de débauche, une chorégraphie de l’amour prompt ou, au contraire, délicat, étiré, subtil. » (32)
L’AMOUR AU JARDIN
AUTEUR.TRICE: Jean-Pierre Otte
ANNÉE DE PARUTION: 1995
PRÉSENTATION DE L'AUTEUR.TRICE:
Jean-Pierre Otte est né dans les Ardennes en 1949. Dès l'adolescence, celui-ci choisit la voie de l'écriture. Il poursuit des études en tant qu'auditeur dans plusieurs disciplines variées : les sciences naturelles, la mythologie et la littérature. Son écriture est empreinte de cette multidisciplinarité, mais surtout de son amour pour la faune et la flore. Son jardin, ainsi que les nombreux animaux et insectes avec lesquels il partage sa vie, sont au coeur de plusieurs de ses ouvrages, notamment La vie amoureuse des fleurs dont on fait le parfum, Un camp retranché en France, L'amour en forêt et L'épopée amoureuse du papillon.
RÉSUMÉ:
Dans L'amour au jardin, Jean-Pierre Otte propose un herbier littéraire orienté sur les stratégies de reproduction des plantes jardinières, de la violette au figuier, en passant par le pavot et la tulipe. Chacun des textes réunis dans cet ouvrage traite d'une plante et des subtilités de ses stratégies de reproduction, dans un style alliant le savoir scientifique au langage poétique et littéraire.
CHOIX DE CITATIONS:
« De loin en loin, dans l’espace désolé du jardin, elle aperçoit la primevère et le muscari qui ont eu le même empressement à ressurgir du sol, et les jonquilles à la lumineuse inflorescence d’un jaune humide. » (29)
« La passiflore s'amuse de cette vie allègre, agitée et gourmande dont elle est l'occasion et l'offrande, et c'est comme si elle retrouvait un peu de l'exubérance d'une vie antérieure. Elle récompense ses hôtes d'un nectar dont ils s'enivrent jusqu'à plus soif. [...] Dans le balancement qui est le sien, l'oiseau pratique ainsi à son insu la pollinisation, le rapprochement des étamines et des styles dans l'intimité magnifique de la fleur. » (49)
« Mauvaises herbes, mauvaises pensées : elles ravagent obscurément, elles apparaissent périlleuses, d'une insidieuse stérilité. Entendez par là : indésirables, inconvenantes, subversives, contraires à l'ordre établi, à la culture autorisée. [...] Pourtant, dans l'impasse, où nous sommes, dans l'étiage même de l'existence et la stagnation du temps, ne conviendrait-il pas d'avoir recours à ces "mauvaises herbes" et à ces "mauvaises pensées". » (74)
PLANTES RÉPERTORIÉES:
Orchidée
Figuier
« À l’œil, déjà, le café du maître clamait sa supériorité sur tout autre nectar. Ce qui baignait le fond des coupes, médaille oscillante à la bordure mousseuse, était de la nature des joyaux, des gemmes les plus rares. La couleur en était chaude, caramel ou noisette à bandes plus foncées. Il semblait qu’on eût, par quelque opération magique, réduit de l’écorce d’arbre à l’état de sirop. La texture en était dense, veloutée. Sur le noir du café flottait une bonne épaisseur de crema, produit de la pression de l’eau sur la mouture. Enfin, des effluves s’élevaient en spires lentes au-dessus du café, parfums qu’inspirait le buveur dans une félicité sans nom. Telle l’amoureuse dont la présence affadit le reste de l’humanité, le nectar du maître semblait ravaler tous les autres cafés à l’état de suées immondes, de vils écoulements noirs, indignes d’abreuver un être humain. » (123)
LE MAITRE DE CAFÉ
AUTEUR.TRICE: Olivier Bleys
ANNÉE DE PARUTION: 2013
PRÉSENTATION DE L'AUTEUR.TRICE:
Olivier Bleys est né en 1970 à Lyon. Auteur prolifique, il a publié près de trente ouvrages de genres divers, notamment des romans, des récits de voyages, des bandes dessinées et même des feuillets d’opéra. Scénariste multimédia indépendant, il se consacre aujourd’hui à la production de carnets de marche multimédias dans lesquels il documente un tour du monde à pied, réalisé par étapes. C’est surtout dans ses derniers romans qu’il a entrepris de cultiver un nouveau rapport au végétal, d’abord avec Le maître de café (2013) puis avec Discours d’un arbre sur la fragilité des hommes (2015), qui lui a d’ailleurs valu de se retrouver dans la sélection du prix Goncourt.
RÉSUMÉ:
« Road trip familial et burlesque », Le maître de café nous entraîne sur les traces de la vie du maître de café Massimo Pietrangeli, barista personnel du Président italien Einaudi et légende vivante des cafés Pietrangeli. Après avoir échappé de peu à la mort grâce à un espresso doppio bien serré, le maître, dont la famille entière est venue à son chevet dans l’espoir d’y retirer quelque héritage, décide de revenir au lieu où étaient cueillis les grains de sa cassette personnelle. En effet, la réserve diminue à vue d'œil, au même rythme, à vrai dire, que la ligne de vie de la main du maître. Celui-ci emporte donc avec lui sa vieille machine, un mastodonte de tuyaux et de pistons baptisée la Storta dont il a conçu jusqu’aux esquisses, son cercueil dans lequel il dort tous les soirs ainsi que tous les Pietrangeli. Teinté d’humour et de réalisme magique, Le maître de café a toutefois une vertu autre que celle du bon divertissement : il est éminemment pédagogique. Le dernier voyage de Massimo pour retrouver la plantation miracle est aussi un voyage sur les traces de la fève de café elle-même, des réseaux qui la mettent en circulation autant que des procédés qui font du café non pas un simple breuvage mais un art de vivre. C’est une invitation corsée à dédier sa vie à ses passions, quitte à finir au bout du monde.
RESSOURCES ADDITIONNELLES:
site web sur l'auteur
CHOIX DE CITATIONS:
« Dans l’Odyssée d’Homère, il est bien fait mention d’une préparation de plantes, le népenthès, servie à Télémaque pour le revigorer, mais l’hypothèse qu’il s’agirait de café a été réfutée. Pas davantage on n’a pu établir la sincérité des traditions qui attribuent au roi Salomon, guidé par l’ange Gabriel, la préparation d’un café du Yémen. Auprès du thé millénaire, mon cher Drago, le café est une boisson tardive, certains diraient un poison moderne. – Quand a-t-on commencé de le boire, alors ? – Les historiens n’ont pas trouvé trace de sa consommation avant le sixième siècle, encore ce lointain avènement est-il voilé de légende. Nous n’avons aucune assurance que la découverte du café revînt à ce berger d’Abyssinie, héros d’un conte des Mille et Une Nuits. Connais-tu cette histoire ? » (103)
« Avec de l’ambition, pourtant, les Cafés Pietrangeli pourraient se hisser au premier rang des torréfacteurs du continent, devant même Lavazza ! Il faudrait pour cela acquérir de nouvelles plantations, construire une usine de traitement du café, développer un bureau de négoce du café vert… Sans doute remplacerait-on l’arabica hors de prix qu’achète ton père par un café moins coûteux et, pour sûr, l’eau de source par de l’eau ordinaire. J’ai des idées, Graziella, des idées et de la méthode! Donne-moi seulement deux ans à la direction des cafés Bastone & Pietrangeli et, d’une petite entreprise familiale, je promets de faire un empire, le géant mondial des boissons infusées! » (138)
« Ce n’est pas leur faute si nos voisins boivent un mauvais café… C’est à cause de leurs colonies! Depuis des siècles, les Français s’obstinent à importer les fèves du Gabon, du Cameroun ou de la Côte d’Ivoire, leurs possessions en Afrique. Or, les caféiers qui poussent dans ces régions sont des Coffea canephora ; autrement dit, des robustas dont les fruits donnent une boisson médiocre. Le robusta est le cousin rustre et barbare de l’arabica.
– Mais l’Italie, papa ?
– Dieu merci, notre pays n’a pas de colonies tropicales ! Mais nous sommes liés à l’Éthiopie : un territoire d’où l’on croit que le café est originaire, peuplé d’arabicas sublimes. Ils poussent dans la montagne au-dessus de la plaine de la Tihama, au nord, et près d’Aden, dans le Sud. Voilà qui fera à jamais du café italien le rival heureux du café français ; voilà qui mettra toujours les tasses servies à Rome ou à Milan loin au-dessus de celles qu’on boit à Paris ! » (226-227)
« Felice eut l’intelligence de sonder la clientèle et accepta, pour un seul jour, de proposer mes créations à la vente. Or, non seulement tout fut écoulé avant midi, mais les habitués de la boutique se mirent à réclamer mes alliages. Ils les avaient essayés par fantaisie, curieux peut-être de leurs drôles d’appellations, et vantaient depuis leurs effets, puissants et durables. Untel, amoureux éconduit, avait trouvé dans le café Magnetismo un précieux allié pour séduire les femmes et devait désormais se dépêtrer d’innombrables maîtresses. Tel autre avait guéri d’une maladie bénigne mais incurable depuis qu’il buvait Sollievo, à raison de trois tasses quotidiennes, prises après les repas. Un autre encore soutenait sans fatigue une nuit entière de plaisirs grâce à l’aphrodisiaque Desiderio, d’une efficacité à humilier la corne de rhinocéros. Le savait-il? C’est souvent dans les pays où l’on boit le plus de café qu’il y a le plus d’enfants. » (261-262)
PLANTES RÉPERTORIÉES:
Caféier
« Je perce le nid de mousse, de fougères froides, et la mince couche de glace qui me croûte la figure. […] Des millions de corps me sillonnent et encore autant gisent dans mon ventre, me nourrissent et reviennent champignons, bryales, rosiers; je dis leur nom pour qu’ils se transforment aussi en asticots et grands ducs, lynx de forêt, pikush, et misartaq, et bouleaux blancs. » (339)
BLANC RÉSINE
AUTEUR.TRICE: Audrée Wilhelmy
ANNÉE DE PARUTION: 2019
PRÉSENTATION DE L'AUTEUR.TRICE:
Audrée Wilhelmy est une autrice québécoise née en 1985. Elle a étudié à l’UQAM ainsi qu’à l’Université McGill. Elle a écrit plusieurs nouvelles ainsi que quatre romans, dont Blanc Résine, paru en 2019. Pour la rédaction de cette oeuvre, l’autrice a fait de nombreuses recherches au sujet des savoirs botaniques des Premières Nations du Québec, savoirs qu’elle travaille à transmettre dans le cadre de son récit en employant, notamment, les noms des plantes tels que prononcés en diverses langues autochtones en plus de mentionner leurs divers usages médicinaux et rituels.
RÉSUMÉ:
Blanc Résine relate la naissance et l’existence de deux personnages, Daã et Laure, ainsi que leur vie commune. Ancré dans le vaste espace de la taïga, ce roman met en tension l’espace de la mine et de son village, d’où Laure est originaire, et celui la forêt qui l’entoure, laquelle est parcourue en long et en large par Daã. À travers les personnalités et connaissances des deux protagonistes se profilent ainsi deux visions du monde pour le moins différentes sans pour autant être antagonistes. Laure, formé en médecine à la Cité, se révèle le représentant d’une société craignant la nature faute des connaissances nécessaires pour l’appréhender. Daã, pour sa part, témoigne plutôt d’une vision holistique du monde, fortement incarnée et spirituelle. D’ailleurs, la fusion de cette protagoniste avec le territoire, en termes de devenir végétal, animal et minéral, apparaît en filigrane tout au long du récit. Tout de même, un dialogue entre les deux points de vue semble possible alors que les personnages fondent une famille et mettent en commun leurs savoirs médicinaux en vue d’aider les habitant.e.s du village de Kangoq. Malheureusement, une terrible tragédie aura raison de leur union, les re-précipitant dans leurs chemins respectifs.
RESSOURCES ADDITIONNELLES:
site web sur l'auteur
CHOIX DE CITATIONS:
« Moi qui comprends le langage des fougères, des simulies, des ouaouarons, renards, bryales et quenouilles, moi qui sais que si le ravageur tue l’arbre, il nourrit plus bas les vers et les termites, il prodigue aux rongeurs des abris pour l’hiver, ravitaille les champignons qui sont notre provende une fois séchés; moi qui révère le cycle de ce qui est vivant et de ce qui est mort, je ne sais pas quoi faire de ce regard qui s’intéresse seulement à la douceur et perd le détail des choses infectes. » (74)
« Laure dit que les landes de Kangoq sont les dernières au nord, étendues longtemps jusqu’à la forêt. Suivant le chemin de fer, je finirais par l’apercevoir et alors, de l’autre côté des prés, les pins, érables, bouleaux, sapins, s’élèveraient vers mes montagnes mauves qui ondulent longtemps. Continuant jusqu’au bout de mes pas, passé les premiers chênes et passé les résineux de ma taïga, avançant plus loin que les derniers épicéas, je regagnerais Sermeq, toundra de mes dix-sept ans et ses rigueurs glacées. » (172)
« Elle a disposé les achènes, les samares, les siliques sur des toiles minces et les a fait sécher, maintenant, ils sont accumulés là, dans des sachets de papier brun que Laure a identifiés pour elle : achillée, carmine noire, chicorée, airelle, agripaume, gaillet, mélilot, mouron des oiseaux. » (182)
« Il a sorti les jarres de macération, il pèse l’huile de calendula, l’huile de consoude; pour la racine de sanguinaire, il utilise le trébuchet de précision : huit lamelles de plomb sur un plateau, quatre-vingts milligrammes de poudre sur l’autre. Il compte à la goutte l’essence de théier, mélange l’onguent avec un bâton de verre.” (238)
PLANTES RÉPERTORIÉES:
Rosier
Fougère
Ortie
« Quelques instants avant l’ébullition, elle a retiré du feu le mystique breuvage, que j’ai regardé et écouté s’écouler dans nos tasses de terre cuite. Il a ensuite fallu attendre que le marc se soit bien déposé au fond. Alors nous avons bu du café. « Bu du café », un si petit acte, pourtant carrément grandiose. » (56)
COFFEE CITY
AUTEUR.TRICE: Thierry Vimal
ANNÉE DE PARUTION: 2013
PRÉSENTATION DE L'AUTEUR.TRICE:
Thierry Vimal est un auteur d’origine française, né en 1971. Il a suivi des études d’océanographie et de psychologie avant de se lancer dans l’écriture. Tous ses romans sont autobiographiques sauf Coffee City, qui s’inscrit dans le genre post-apocalyptique.
RÉSUMÉ:
Publié en 2013, Coffee City prend place dans une Europe post-apocalyptique dont le climat s’est radicalement modifié. Dans une chaleur et une humidité sub-tropicales, le narrateur, sa femme et leur fille doivent quitter leur maison, où ils·elles s’étaient jusqu’alors refugié.e.s des troubles sociaux et des pénuries. Témoins de l’apparition d’un énorme Tube de verre qui traverse le paysage à perte de vue, ils·elles décident de suivre sa trajectoire en se dirigeant vers l’Ouest dans le but de trouver un nouveau lieu sécuritaire où s’installer. Leur chemin les mènera à Coffee City, une ville dont le fonctionnement est fondé sur le café. C’est à cet endroit que le Tube, et les trombes qu’il transporte, arrivent à leur terminus. Avant de repartir d’où elles sont venues, les navettes exigent un lot exact de café ainsi qu’une certaine partie de la population. Les fèves deviennent donc une monnaie d’échange, une manière d’acheter sa place dans une de ces fameuses trombes. Épuisé.e.s de leurs déplacements, les personnages décident de s’enrôler temporairement dans la culture du café afin de reprendre des forces et d’économiser assez de grains de café vert pour repartir. Mais, sans le savoir, le narrateur et sa femme instiguent le début d’une résistance qui resserre les liens de solidarité entre les membres de la communauté qui, plutôt que d’utiliser le café comme monnaie d’échange, préfèrent plutôt enfreindre la loi de Coffee City en le torréfiant et le buvant. S’en suivent de nombreux problèmes avec les autorités de la ville.
CHOIX DE CITATIONS:
« Le principe était simple. On travaillait à la caféiculture, on était payé en café vert qu’on pouvait utiliser comme monnaie d’échange pour s’acheter ce dont on avait besoin, sinon le « capitaliser » au grand entrepôt central d’où il serait entrombé, afin de marquer des « points de départ » et gagner des places dans la fameuse liste d’attente. Non, ce n’était pas la trombe qui avait dicté cette organisation, les trombes n’avaient jamais rien demandé d’autre que des sacs de café vert et des passagers, et fournit de temps à autre de nouvelles plantules de caféiers, parfois quelques engrais. » (47)
« Elle a mis une poêle à chauffer sur les braises puis extirpé de sous ses vêtements une petite bourse de café. Quand la poêle a été bien chaude, elle y a jeté une poignée de grains et s’est mise à remuer très fort. Le café a commencé à brunir et, lentement, une odeur familière est montée des profondeurs de l’oubli pour s’emparer de notre espace intime. » (55)
« Chacun apportait sa contribution en café. Un véritable réseau de solidarité s’est développé autour de notre activité illicite. Chacun avait ses propres compétences et ses petites combines personnelles, et en mettant tout cela en commun nos vies ont connu un regain de confort. » (63)
PLANTES RÉPERTORIÉES:
Caféier
« La canne est une force de la nature. Elle n’était pas maudition pure comme il l’affirmait. Ce qui était maudition, c’est que la terre appartînt depuis des siècles aux Blancs et que le nègre pouvait y bourriquer jusqu’à la fin de ses jours sans jamais espérer pouvoir grimper un seul barreau de l’échelle du monde. » (170)
COMMANDEUR DU SUCRE
AUTEUR.TRICE: Raphaël Confiant
ANNÉE DE PARUTION: 1994
PRÉSENTATION DE L'AUTEUR.TRICE:
Raphaël Confiant est un auteur d’origine martiniquaise né en 1951. Il fait des études en sciences politiques et en anglais à Aix-en-Provence avant de revenir en Martinique pour militer en faveur de l’indépendance du pays. Pendant son enfance, il passe beaucoup de temps sur la plantation de canne à sucre et à la distillerie de rhum de son arrière-grand-père et de son grand-père. Ces deux lieux influencent fortement son imaginaire et refont fréquemment surface dans ses œuvres littéraires. Avec Patrick Chamoiseau et Jean Bernabé, il participe à la création du mouvement de la créolité. Il milite dans ce domaine depuis les années 70. Il est, d’ailleurs, le premier auteur martiniquais à publier, en 1985, un livre en langue créole, Bitako-a.
RÉSUMÉ:
Commandeur du sucre met en scène Firmin Léandor, un des commandeurs de la plantation de Bel-Évent, en Martinique. Suivant les saisons, le roman rend compte de toutes les étapes de production de la canne à sucre, de la plantation des nouvelles pousses à la livraison des cannes coupées à l’usine de raffinement. De ce compte-rendu détaillé des innombrables tâches et soins nécessaires à la prospérité de la canne émergent les diverses tensions sociales qui déchirent la population de Bel-Évent, composée de « Blancs-pays », de « Mulâtres », de « Nègres » et d’« Indien-coulis ». Malgré l’abolition de l’esclavage, il apparaît que l’exploitation du reste de la population par les Blanc.he.s demeure bien active. La majorité de la communauté noire se retrouve donc enchaînée à la canne, dans l’impossibilité de s’émanciper de son exploitation faute de salaires décents et d’éducation. Malgré tout, certain.e.s passionné.e.s de la culture de la canne, tel.le.s que Firmin Léandor, demeurent et préfèrent la routine de la plantation à la liberté du jardin créole.
RESSOURCES ADDITIONNELLES:
site web sur l'auteur
CHOIX DE CITATIONS:
« La canne ne pouvait pas mourir car c’est la canne qui avait fait ce pays de Martinique, qui l’avait construit. C’est elle qui fournissait le manger et le bien-être qui au Blanc-pays qui au nègre qui au mulâtre qui à l’Indien-couli. C’est la petite monnaie que nous distribuaient planteurs et usiniers qui faisait marcher le commerce de tissus du Syrien Abdallah à Grand Bourg, les boutiques de morue salée, de tête de cochon, de pois rouges-lentilles-riz, margarine et consorts dont nous avions si indispensablement besoin. » (34)
« L’eau salée ne dérangeait pas non plus la canne. Je m’émerveillais qu’elle n’eût pas besoin d’être désherbée, dépaillée ou de recevoir de l’engrais. Ces attouchements lui faisaient certes le plus grand bien, elle levait plus drue et plus belle mais elle n’en avait pas vitalement besoin. La canne est une force de la nature. »(170)
« Les cannes ressemblaient à des êtres humains accroupis en septembre, agenouillés en novembre et debout en janvier, occupés à chuchoter dans le vent ou à se chamailler. Il m’arrivait de sursauter et de me retourner. J’étais sûr d’avoir entendu les cannes parler. » (171)
« À Caféière, ses rangées d’ignames avec leurs vêtures chamarrées côtoyaient ses alignements de manioc et de bananiers. Les choux de Chine, les pois d’Angole, la patate douce s’épanouissaient entre ses arbres fruitiers. Il n’y avait pas de jour pour planter ni pour récolter. Chaque semaine ou chaque mois, un légume ou un fruit différent lui disait : « Prends-moi. » Mangues-Julie en juillet, quénettes et pommes-cannelle en août, corossols en septembre, goyaves en octobre, ignames en novembre. Les paniers d’Éléonore ne désemplissaient pas. Le couple n’avait même pas assez de bras quand la saison avait été meilleure que d’habitude et Firmin devait débaucher des petites-bandes sur le chemin de l’école afin qu’ils l’aident à fouiller les fosses d’ignames ou à cueillir le café. » (307)
PLANTES RÉPERTORIÉES:
Canne à sucre
Igname
Caféier
« Il s’était d’abord bu à l’abyssinienne, puis à la yéménite, ensuite à l’égyptienne, après à l’ottomane, à la javanaise, puis à la vénitienne, ensuite à la marseillaise, puis à la parisienne avant d’enjamber la mer des Ténèbres et de se boire à la martiniquaise. Cette dernière se répandit en Guadeloupe, à Saint-Domingue, à Cuba, au Brésil et dans le sud des États-Unis avant de gagner l’Asie pour se faire une place à côté de ce nectar impérial qu’est le thé. Ô café, toi qui as accompli le tour du monde ! Onze siècles te furent nécessaires. » (200)
GRAND CAFÉ MARTINIQUE
AUTEUR.TRICE: Raphaël Confiant
ANNÉE DE PARUTION: 2020
PRÉSENTATION DE L'AUTEUR.TRICE:
Raphaël Confiant est un auteur d’origine martiniquaise né en 1951. Il fait des études en sciences politiques et en anglais à Aix-en-Provence avant de revenir en Martinique pour militer en faveur de l’indépendance du pays. Pendant son enfance, il passe beaucoup de temps sur la plantation de canne à sucre et à la distillerie de rhum de son arrière-grand-père et de son grand-père. Ces deux lieux influencent fortement son imaginaire et refont fréquemment surface dans ses œuvres littéraires. Avec Patrick Chamoiseau et Jean Bernabé, il participe à la création du mouvement de la créolité. Il milite dans ce domaine depuis les années 70. Il est, d’ailleurs, le premier auteur martiniquais à publier, en 1985, un livre en langue créole, Bitako-a.
RÉSUMÉ:
Grand café Martinique enchevêtre deux trames narratives qui sont aussi deux voyages : d’abord, l’histoire de Gabriel-Mathieu d’Erchigny de Clieu, noble de province, contemporain du Roi-Soleil, qui caresse le rêve de devenir planteur de tabac aux Amériques et fait fortune dans la canne à sucre avant de devenir celui qui introduira le café dans le continent américain ; ensuite, celle du café lui-même, depuis les plateaux légendaires (au sens propre comme figuré) de l’Abyssinie jusqu’aux tasses des ouvriers du début vingtième siècle, devenant, du moins d’après Confiant, la première plante à faire le tour du monde, et à y trouver partout ses aises. Ces deux récits se succèdent constamment, à vrai dire ils avancent ensemble, celui du café apparaissant toujours entre crochet. Ils en viennent d’ailleurs à se rejoindre brièvement, quand le café traverse une première fois l’Atlantique, après que de Clieu ait dérobé deux plans de caféier au jardin du Roy de France pour les emmener à ses plantations de Martinique. Sont aussi incrustées, ça et là, quelques citations d’auteurs ayant voyagé aux Amériques que de Clieu retranscrit dans son « bréviaire des Amériques », qui servent à replacer le récit dans l’imaginaire de l’époque. En ce qui concerne les plantes, plusieurs choses sont à noter. D’abord, il est bien question du pouvoir de celles-ci, assez obscur par ailleurs, de se déplacer en suscitant le rêve. On pourrait voir dans l’attrait qu’exerce le tabac et le caféier sur de Clieu une stratégie de pollinisation métaphorique ; en se faisant propices aux rêves de grandeur du voyageur, ces plantes réussissent à se répandre au-delà des mers et à étendre radicalement leur aire de répartition, bouleversant le paysage naturel et humain au passage. Grand café Martinique a aussi le mérite de faire de la plante elle-même, (et non seulement du breuvage qui en est extrait), un personnage doté d’une agentivité certaine.
RESSOURCES ADDITIONNELLES:
site web sur l'auteur
CHOIX DE CITATIONS:
« Les mamelouks, après moult tergiversations, décisions contradictoires, revirements, atermoiements, finirent par émettre une décision définitive au grand dam des ulémas et de leurs fidèles : — Le café est agréable à Allah et bon pour la santé ! L’eau noire turque, comme la surnommaient les voyageurs européens qui en goûtaient pour la première fois, enchanta de plus belle la langue et le gosier des citadins égyptiens jusqu’à conquérir ceux des bédouins au fin fond du désert, là où les pyramides barraient l’horizon. Elle tenait éveillé, facilitait la digestion et réduisait l’obstruction des viscères, assuraient apothicaires et médecins. » (38)
« Le Grand Turc avait échoué à conquérir le cœur vibrant de l’Europe, mais le café, venu des confins abyssiniens, de ces hauts plateaux battus par des vents au point, assure la légende, qu’ils réussissent à chasser les rêves, bons ou mauvais, la petite baie du caféier, grillée, torréfiée, concassée ou moulue, elle, avait réussi à y parvenir. Elle signifiait aussi, à son corps défendant, la victoire de l’Europe sur l’Orient. Butin de guerre ! À moins que ce ne fût l’inverse. Quoi qu’il en soit, par grandeur d’âme ou nécessité, une catégorie de marchands ottomans fut autorisée à en continuer l’importation, surtout les Arméniens qui en viendront même à en détenir le monopole. L’Orient demeura donc, planté au cœur de l’Europe. Au même titre que les dattes ou le lait d’amande, le café continuera à être rangé dans la catégorie des « douceurs orientales ». Ainsi naîtra le cosmopolitisme (affirment les érudits)... » (102)
« Dans les cafés parisiens, on ébaucha la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen. Dans les cafés, on décida de l’abolition de l’esclavage des Nègres dans les colonies françaises d’Amérique. Dans les cafés, on écarta la Sainte-Trinité et instaura le culte de l’Être suprême. Dans les cafés, on inventa le calendrier républicain empli de noms à l’éclatante douceur: vendémiaire, nivôse, germinal, floréal, prairial. Et c’est devant le café de Foy, au sein d’une foule rassemblée dans les jardins du Palais-Royal, que le grand Camille Desmoulins, juché sur une table, prononça ce discours qui, deux jours plus tard, devait aboutir à la prise de la Bastille. » (154)
PLANTES RÉPERTORIÉES:
Caféier
« Nos journées se déroulaient au hameau ou dans les champs, mais nous fréquentions aussi ce qu’on appelle le beneficio, l’endroit où le café subit les traitements d’après-cueillette. C’est là, sous de vastes hangars en plein air, que les fèves juste récoltées sont lavées, séchées, triées, enfin conditionnées pour leur expédition. Avant d’avoir suivi toutes ces opérations, je n’imaginais pas que le café connût des transformations aussi nombreuses pour enfin couler dans nos tasses. » (Le maitre de café, 296)
CAFÉIER
AUTRE(S) NOM(S) USUEL(S): Café
NOM LATIN: Coffea spp.
DESCRIPTION:
Peu de plantes ont exercé sur l’espèce humaine une telle fascination. Pourtant, le caféier est un petit arbuste assez chétif, ne dépassant jamais les six mètres, dont les feuilles luisantes et vert sombre se couvrent de fleurs blanches à la floraison. Ce sont en fait les graines, enfermées dans des drupes qu’on appelle cerises, qui sont à la source de son pouvoir d’attraction, plus particulièrement cette drôle de substance qu’elles renferment et qui est à l’origine un insecticide. Il s’agit bien sûr de la caféine, qui agit en emballant le système nerveux des insectes qui mangent les feuilles où les fruits.
La légende veut que le café ait été découvert par un jeune berger éthiopien dont les chèvres se seraient mises à danser après en avoir ingéré les fruits. Si cette histoire est bien une légende, le café naît en effet dans les montagnes éthiopiennes où il fait partie de la spiritualité locale. Prisé par les soufis dans leurs rituels nocturnes, il se répand ensuite avec ces grands pèlerins, d’abord au Yémen, puis partout dans le monde arabe, avant d’être adopté par le Grand Turc et finalement par les Européens. En atteignant l’Asie, transporté par les Hollandais sur l’île de Java, puis les Amériques, le café achève un exploit dont peu de plantes peuvent à l’époque se targuer : avoir fait le tour du monde. Succès qui s’accompagne pourtant d’un côté aussi sombre que le breuvage. Le café est en effet de ces « monarques agricoles » dont la culture se développe dans des conditions pénibles : esclavage, exploitation, déplacements forcés, etc. S’il fait depuis plusieurs siècles le bonheur des consommateurs, le café a plus souvent qu’autrement aussi fait le malheur des gens qui le cultivent.
Il existe une grande variété de caféiers (autour de quatre-vingt-dix espèces) mais deux seulement sont aujourd’hui cultivées par l’espèce humaine : le premier, Coffea arabica, est une plante plus délicate et vulnérable aux maladies, mais qui offre un café supérieur en goût et inférieur en caféine. Le second, Coffea canephora (mieux connue sous le nom de robusta), a un goût plus amer mais pousse beaucoup plus facilement dans les zones à faible altitude en plus de mieux résister aux ravageurs de toutes sortes. Avant d’être consommé, le café doit d’abord être cueilli, dépulpé, séché, dépouillé de son parme, une mince enveloppe recouvrant les glands, puis torréfié, moulu et enfin seulement, dégusté. Aujourd’hui, la culture du café de spécialité a fait du café un breuvage aussi subtil que le vin. Il a ses terroirs, ses notes de dégustation, ses lieux dédiés, ses magazines, ses méthodes toujours plus précises et même ses œnologues, mieux connus sous le nom de barista.
RESSOURCES ADDITIONNELLES:
Charlery de la Masselière, Charles et Pernette Grandjean (dir.). « Cafés et caféiers », Études rurales, vol.180, 2007.
Goyvaertz Philippe et Emmanuelle Sainte Fare Carnot (ill.). Les routes du café, Genève, Aubanel, 2008.
Mendes Ferrão, José E. « Caféier d’Arabie », in Le voyage des plantes & les grandes découvertes, Paris, Chandeigne, 2015, pp. 325-334
Wild, Antony. Black Gold: The Dark History of Coffee, New York, Harper Perennial, 2005.
RÔLE(S) DE LA PLANTE DANS LE(S) RÉCIT(S):
Botanique
« Soudain, le Dieppois les vit ! De ses propres yeux, oui ! S’il avait souvent goûté au café à la Martinique, tout comme les habitants de l’île, il ignorait à quoi pouvait bien ressembler l’arbre qui le produisait. Certes, tout un chacun avait pu consulter de jolies planches botaniques, mais c’était tout autre chose de le voir en vrai. À la vérité, ceux qui lui avaient été réservés n’étaient que des arbrisseaux. Au nombre de deux. Pas un de plus ! Hortense l’avait prévenu qu’il serait vain, voire périlleux, d’essayer de convaincre le directeur d’en céder davantage. Il prenait déjà d’énormes risques en soustrayant ceux-ci, d’autant qu’il arrivait au Dr de Chirac de venir prélever des morceaux d’écorce ou des feuilles sur les caféiers qui avaient atteint une certaine taille. Le Jardin du Roy était son laboratoire, le lieu où il concoctait ces médicaments extraordinaires qui pouvaient guérir ou, à tout le moins, soulager la bronchite, la pleurésie, la gale, la grattelle, le lâchement de corps, le flux de poitrine, la diarrhée ou encore la goutte. » (Grand Café Martinique, 84)
Alimentaire
« Je me lève pour préparer le café qu’Éléonore a moulu la veille. Nous avons un magnifique caféier derrière la maison qui nous fournit de quoi tenir toute l’année. Est-ce que dans l’autre vie l’odeur du café brûlant perdurera? Serrer la timbale entre mes deux mains me procure un plaisir intense. » (Commandeur du sucre, 63)
Médicinal
« Pour le moment, vous devez impérativement boire les tasses de café qui vous sont proposées par nos enfants. Vous l’ignorez sans doute, mais dans le monde où vous avez survécu ces dernières années, vous avez été exposés à de puissantes et nocives radiations. […] Nous maîtrisons un traitement de la caféine qui nous permettra de vous en débarrasser en quelques heures. » (Coffee City, 89-90)
« Un matin, deux gorgées que je pris de cette soupe me tordirent les entrailles pendant tout un mois. Je vomissais de la bile à pleins seaux et, si jeune encore, reçus deux fois la sainte onction des mourants dans la hutte d’un Indien. Or, ma guérison de ce mal terrible, je crois la devoir au café. Ornella confectionnait pour moi un nectar rustique mais savoureux avec des fèves rondes qu’elle grillait à la poêle. Mon corps l’acceptait sans regimber alors qu’il expulsait tout autre boire, et même tout ce qui, solide ou liquide, franchissait le cap tempétueux de mon gosier. M’étant ainsi gorgé de café frais pendant des semaines, je vis mon état peu à peu s’améliorer. » (Le maitre de café, 285)
Économique
« La caféiculture est une activité exténuante. Chaque matin il faut grimper plusieurs heures pour rejoindre les plantations, trimer au flanc de coteaux escarpés, patauger dans la boue, se hisser dans les arbres, s’esquinter les doigts en tirant sur les branches pour les passer au peigne, quand il ne faut pas cueillir à la main. Ça c’est pour la récolte. Le reste est souvent aussi pénible, le transport des cerises de café, la taille des arbres, l’entretien des accès. Il faut faire tremper les fruits pour les débarrasser de leur pulpe puis du mucus qui reste autour, ce dont se chargent le plus souvent les femmes. » (Coffee City, 53)
« Et lorsqu’on lit les récits de voyage des ethnographes de la première moitié du XXe siècle, c’est cela qui frappe : l’enfermement des survivants, l’hostilité vis-à-vis des tentatives de colonisation et de l’introduction des techniques nouvelles ; culture du cacao ou du café, usines à coprah, ou simplement routes et plans cadastraux. » (Raga, 54)
« Un homme admirable ! Quand il disparaîtra, toute la profession sera en deuil et j’aurai moi-même beaucoup de peine. Nous prévoyons d’ailleurs de commémorer l’événement à notre façon. Pendant trois jours, les milliers de tasses servies dans nos brûleries seront froides et sans sucre. Si les clients commandent des cafés crémeux, nos serveurs auront instruction de tracer une croix avec le lait. Nous y réfléchissons. L’un de nos collaborateurs a proposé d’éditer un mélange spécial, le Caffè lacrime, ou café des larmes, ensaché dans une urne en carton noire, que fermerait un ruban mauve. Ça peut être très joli. Et d’un très bon rapport. Bien entendu, nous remplirions les urnes d’un café assorti. Je l’imagine assez dur, très torréfié pour révéler son amertume. Aux Philippines, on trouve des caféiers assez rustiques, les Coffea liberica, qui donnent un fruit à saveur âcre. Ça pourrait convenir. Mais rien n’est décidé encore. » (Le maitre de café, 48)
« – Ce café vient de nos plantations du Sud. Les premiers caféiers ont été plantés chez nous en 1729. On prétend que mon ancêtre Ignacio Freire da Fonseca partageait, à bord du bateau qui le ramenait d’Afrique, sa maigre ration d’eau avec les jeunes pousses de caféiers en pots qu’il avait troquées aux indigènes… Il a très bien fait. Le café brésilien continue son essor mondial. » (Mort sur la forêt, 189)
« J’avais été sauvé par tous ces habitants qui détenaient peu d’esclaves ou dont les terres étaient à la fois reculées et trop pentues. Ils vivotaient sur de modestes plantations de canne à sucre et le café, qui exigeait beaucoup moins de main-d’œuvre, leur fut une réelle bénédiction. En peu d’années, mon arbrisseau rescapé de l’effroyable traversée de la mer des Ténèbres proliféra tant et tellement et surtout fut d’un si bon rapport que des moyens planteurs de canne s’y intéressèrent à leur tour, puis quelques gros. La Martinique se mit à envoyer des quintaux et des quintaux de la modeste baie rouge d’Abyssinie au royaume de France où, autre miracle, les connaisseurs jugèrent que son arôme était bien plus subtil que celle du Levant et son goût moins âpre. » (Grand Café Martinique, 226)
Symbolique
« Entre temps, les moines avaient tiré un délicieux breuvage noir des grains de l’arbre qu’ils décidèrent de baptiser du nom de la région, « Kaffa ». Il vous tenait éveillé, vous redonnait de l’énergie, apaisait les mauvaises grippes et son résidu avait le pouvoir de cicatriser les plaies rebelles aux bras et aux jambes. Un périmètre, interdit à la plèbe et aux gens de passage, fut tracé autour de l’arbre miraculeux dont l’accès ne fut autorisé qu’à Kaldi, à son père ainsi qu’aux moines. Des villageois, qui avaient émis l’idée sacrilège d’en prélever les rejetons qui poussaient à son pied pour les replanter ailleurs, furent bannis à vie. Dieu avait gratifié la région de Kaffa d’un arbre miraculeux et il aurait été sacrilège de chercher à imiter son geste si plein de magnanimité. La consommation du breuvage extrait de ses fruits ne renforçait-elle pas l’attention des moines lors des prières du soir ? C’était bien là la preuve irréfutable de leur origine divine. » (Grand café Martinique, 11)
ROMANS DANS LE(S)QUEL(S) LA PLANTE EST RÉPERTORIÉE:
Raga
Mort sur la forêt
Le maître de café
Coffee City
Commandeur du sucre
Grand Café Martinique
« L’eau salée ne dérangeait pas non plus la canne. Je m’émerveillais qu’elle n’eût pas besoin d’être désherbée, dépaillée ou de recevoir de l’engrais. Ces attouchements lui faisaient certes le plus grand bien, elle levait plus drue et plus belle mais elle n’en avait pas vitalement besoin. La canne est une force de la nature. Elle n’était pas maudition pure comme il l’affirmait. Ce qui était maudition, c’est que la terre appartînt depuis des siècles aux Blancs et que le nègre pouvait y bourriquer jusqu’à la fin de ses jours sans jamais espérer pouvoir grimper un seul barreau de l’échelle du monde. » (Commandeur du sucre, 170)
CANNE À SUCRE
AUTRE(S) NOM(S) USUEL(S): -
NOM LATIN: Saccharum spp.
DESCRIPTION:
Le « roi Sucre » - d’après la formule de l’historien uruguayen Eduardo Galeano (Les veines ouvertes de l’Amérique latine, 1971) - a une histoire assez mouvementée. Originaire du Sud-Est asiatique ou de Papouasie Nouvelle-Guinée, connu dès le Néolithique, il gagne l’Égypte et la Perse, accompagne l’expansion de l’Islam à partir du 9e siècle, se répand dans la péninsule ibérique, puis un peu partout dans les navires des Portugais et Hollandais. Avec la création des moulins, qui facilitent sa transformation, la culture du sucre connaît un premier essor sur les côtes africaines et dans certaines îles, notamment à Madère. À Sao Tomé, les prototypes de monocultures esclavagistes se développent rapidement autour du 15e siècle, avant que ce modèle ne se répande, au siècle suivant, de l’autre côté de l’Atlantique. Le sucre établit dès lors son empire au Brésil et dans les Antilles : cultivé par les esclaves africains sur de vastes plantations qui déboisent presqu’ entièrement certaines îles, il fait la fortune des colons européens. Beaucoup de sueur et de sang sont ainsi versés dans les champs pour ces cristaux bruns obtenus à partir d’une longue canne, Saccharum officinarum, ou « canne noble », variété principale à avoir été d’abord cultivée. Extrait de la tige, ou chaume, le sucre traverse un processus complexe : d’abord broyée, la canne donne un liquide qui porte de nombreux noms : vesou, garapa, guarapa. Avec ce liquide, on produit la cassonade, pouvant à son tour être raffinée en sucre blanc, ainsi que la mélasse, ou miel de canne et, en le faisant fermenter, le rhum. Aujourd’hui, une part importante de la production de canne à sucre sert à produire du bioéthanol, surtout au Brésil qui demeure son principal producteur. Pourtant, la canne à sucre, à première vue, n’est ni une plante impressionnante par son raffinement, ni par sa rareté. D’un point de vue botanique, Saccharrum officinarum est une plante graminée à port de roseau et à souche rhizomateuse (une partie de la tige est souterraine). Elle peut mesurer jusqu’à 6 mètres, mais on la laisse rarement atteindre un telle taille. Bien que la majorité de sa reproduction se fasse par bouturage, et donc avec le concours de l’espèce humaine, à l’état sauvage, c’est en se couchant que les plantes se répandent, de la tête et de chaque nœud émergeant une nouvelle plante. Pendant longtemps, la canne à sucre s’est résumée à sa variété naturelle Saccharum officinarum. Aujourd’hui, de nombreux cultivars (variétés de plantes créées par sélections et croisements) ont été créés pour endiguer les maladies et les ravageurs.
RESSOURCES ADDITIONNELLES:
Galeano, Eduardo, « Le roi sucre et autres monarques agricoles », dans Les veines ouvertes de l’Amérique latine : une contre-histoire, trad. Claude Couffon, Paris, Pocket, 1971, p.?.
Lohka, Eileen. « Canne à sucre », dans Dictionnaire J-M.G. Le Clézio, éditions Passage(s), [En ligne], http://www.editionspassages.fr/dictionnaire-jmg-le-clezio/lexique/canne-a-sucre-7-2/.
Mendés Ferrao, José E. « Canne à sucre », dans Le voyage des plantes & les grandes découvertes, Paris, Chandeigne, 2015, pp.241-250
RÔLE(S) DE LA PLANTE DANS LE(S) RÉCIT(S):
Économique
« Enlever les feuilles sèches des pieds de canne pour que l’air et la lumière pénètrent dans les touffes et y apportent leur bienfaisance. La canne aime respirer, elle a aussi grand appétit de soleil. […] Ôter la feuille verte d’une tige de canne, même une seule, que dis-je, simplement la tordre ou la casser revient à amputer un homme de sa main ou de son bras. La croissance de la plante en est aussitôt gênée ». (Commandeur du sucre, 19-20)
« Pour couvrir correctement un hectare, il faut entre huit mille et neuf mille plants, et le pire c’est que certains plants ne poussent pas, refusent de pousser pour toutes sortes de raisons. Plants de canne fléchée, plants attaqués par les parasites ou mal fichés en terre par les petites-bandes […] plants rétifs qu’il faut déceler très vite et arracher avant que leurs voisins ne les masquent à la vue. » (Commandeur du sucre, 61)
« Les ouvriers s’activaient à hisser la canne sur les bascules dans un vacarme de treuils, de poulies et de turbines. Les broyeurs tordaient les tiges de canne en faisant un bruit de succion qui n’avait cesse de les impressionner. Quel univers différent de celui de la plantation! pensait Firmin. Pourtant usine et champ de canne étaient soudés l’un à l’autre, unis par le même but : extraire le sucre et le rhum dont la majeure partie était exportée en métropole. » (Commandeur du sucre, 119)
« J’apprendrais plus tard que ses ancêtres, originaires d’Afrique, avaient été débarqués à Maurice pour couper de la canne à sucre. Travailler sur un bateau, disait-il, était sa façon à lui de réparer l’histoire, comme si en refaisant le trajet dans l’autre sens, payé, et respecté cette fois, il prenait sa revanche. Fred était né de ça, de cette histoire-là. » (Le palais des orties, 59)
ROMANS DANS LE(S)QUEL(S) LA PLANTE EST RÉPERTORIÉE:
Commandeur du sucre
Le palais des orties
« Aujourd’hui, Raga est un jardin. […] On n’y voit pas de champs, et les plantations de cocotiers qui subsistent le long de la côte sont les reliquats de la colonisation. Elles sont envahies de mauvaises herbes, la plupart à l’abandon. Elles portent encore le nom de propriétaires terriens venu d’Europe ou d’Australie […] Les habitants de la Pentecôte, après le départ des colons, sont retournés à leur système traditionnel, dans lequel la terre n’est pas une propriété, mais plutôt un accord mystique passé entre les habitants du lieu et les esprits des ancêtres. » (Raga, 68)
COCOTIER
AUTRE(S) NOM(S) USUEL(S): -
NOM LATIN: Cocos nucifera L.
DESCRIPTION:
Comme toute la famille des palmiers à laquelle il appartient, et contrairement à ce qu’on pourrait croire, le cocotier n’est pas un arbre. C’est en fait une herbe géante de la famille des monocotylédones, et son tronc, une longue tige ligneuse qu’on appelle « stipe ». Il existe toujours un débat quant à ses origines, qu’on situe parfois en Polynésie, parfois dans le Sud-est asiatique. Dans tous les cas, si le cocotier est d’abord connu en Occident pour ses noix, dans les régions tropicales où il pousse abondamment, il tient lieu d’arbre providentiel : le cocotier est en effet une des rares plantes dont toutes les parties sont utiles à l’espèce humaine. La tige sert ainsi de « bois » de construction ; les racines sont consommées quand elles sont jeunes et tendres ; les feuilles servent à imperméabiliser les toits ; la sève sucrée, à préparer des breuvages (notamment, le sura ou vin de palme) et des décoctions médicinales ; avec ses fibres tissées, on fabrique des filets de pêche ; avec la chair pressée à froid, on produit une huile alimentaire à la popularité toujours grandissante ; enfin, le « lait de coco », mélange entre l’eau de coco et la couche gélatineuse qui forme peu à peu ce qu’on appelle l’albumen (partie blanche et comestible) a une composition proche du lait maternel, on l’utilise ainsi comme supplément aux nourrissons dont les mères ne peuvent donner le sein.
Le cocotier, aujourd’hui, s’est répandu dans presque toutes les régions côtières tropicales du monde grâce à ses racines capables de plonger profondément dans le sable et à sa tolérance pour l’eau salée. Les théories quant à sa diffusion d’un continent à l’autre varient néanmoins beaucoup. On sait que les noix de coco sont rapidement devenues un aliment incontournable des voyages marins des Portugais. En effet, les noix, remplies d’eau, se conservent très bien et sont très nutritives. Il est ainsi possible qu’elles se soient répandues dans les Caraïbes dans le sillon des navires du petit royaume ibérique. Une autre théorie subsiste pourtant. C’est qu’une fois mûres, les noix de coco sont moins denses que l’eau salée, elles flottent. Très résistantes, elles peuvent germer après plus de 30 jours passés en mer, ce qui n’a pas été sans susciter des interrogations. Les cocotiers ont-ils traversé l’océan Atlantique sans l’aide de l’espèce humaine, les noix dérivant d’un continent à l’autre ? La théorie est sans doute exagérée : il n’en demeure pas moins que ces atouts particuliers ont dû permettre au cocotier des voyages plus courts, d’une île polynésienne à l’autre ou bien le long des côtes de l’Asie, et d’étendre d’autant de plages son aire de distribution.
RESSOURCES ADDITIONNELLES:
Mendés Ferrao, José E. « Cocotier », dans Le voyage des plantes & les grandes découvertes, Paris, Magellane, 2015, p. 261-282.
RÔLE(S) DE LA PLANTE DANS LE(S) RÉCIT(S):
Esthétique
« Et voici Cumana, les premiers pas d’Alexandre sur cette « terre bénie ». On lit ces mots dans une de ses lettres à son frère, débordante d’émerveillement : des plantes extraordinaires, des animaux de toutes les espèces, une foule d’Indiens à moitié sauvages, des cocotiers de vingt mètres de haut et d’autres arbres (dont il ne sait pas le nom), qui portent d’énormes feuilles et des fleurs grandes comme la main, des buissons flamboyants, des oiseaux de toutes les couleurs… » (Humboldt l’explorateur, 60)
Économique
« Voilà pour l’agriculture à Raga. Cela a-t-il quelque chose à voir avec le fait de planter des cocotiers en lignes régulières et d’échanger leurs fruits contre de l’argent ? J’imagine la stupeur des habitants de ces îles quand ils ont constaté l’impudence méthodique de ceux qui venaient s’approprier leurs terres. » (Raga, 70)
« La rivière Palimsi coule paisiblement au milieu des plantations de cocotiers et des champs d’ignames. À l’embouchure […] se trouve Pangi, le plus gros village du sud-ouest de la Pentecôte. Du fait du mouillage de la baie Homo, et de la popularité du saut du Gol, c’est aussi la région la plus développée pour le tourisme » (Raga, 112)
Symbolique
« Au commencement, seule existait la terre avec sa végétation. Il n’y avait qu’un seul cocotier dans un lieu nommé Rebrion. C’est arbre est mort aujourd’hui. Ce cocotier fleurit et donna naissance à un énorme fruit qui contenait l’esprit de Barkulkul. Puis le fruit éclata et donna naissance à six hommes. Le premier fut Barkulkul. Ces hommes tombèrent sur la terre sur un lit de palme. Une grande noix de coco leur donna son lait, et ce fut leur premier lait. » (Raga, 83, l’auteur souligne)
ROMANS DANS LE(S)QUEL(S) LA PLANTE EST RÉPERTORIÉE:
Raga
Humboldt l’explorateur
« Les jardins naissent souvent d’une crispation, d’un refus, d’une inhibition, d’un refoulement. On connaît de vieux colonels anglais à moustache blanche et stick sous le bras, qui, de retour des Indes, submergés par une incoercible nostalgie des jardins moghols, consacrèrent leur retraite (et toutes les économies y afférentes) à se créer un chahar bagh, jardin de figuiers de paradis, d’orangers et de citronniers, de grenadiers, d’indigotier et d’amandiers, de rhododendrons, de jonquilles, de fritillaires de Perse, de jacinthes d’Orient, de glaïeuls d’Illyrie. » (Je vois des jardins partout, 92-93)
FIGUIER
AUTRE(S) NOM(S) USUEL(S): Figuier commun, Figuier comestible
NOM LATIN: Ficus carica
DESCRIPTION:
D’abord faut-il s’entendre. Le mot « figuier » ne désigne, en effet, pas toujours le même arbre. Dans le langage commun, on parle souvent d’une seule espèce, le figuier comestible (ficus carica), emblématique du bassin méditerranéen où il pousse abondamment et où on le cultive depuis des millénaires pour ses fruits sucrés. Or, d’un point de vue botanique, le figuier est un genre qui a plusieurs centaines de représentants n’ayant souvent, à première vue, pas grand- chose à voir les uns avec les autres. À titre d’exemple, le figuier étrangleur des forêts tropicales du continent américain: les graines de cet arbre étrange sont hémiépiphytes, c’est-à-dire qu’elles poussent à partir des branches d’autres arbres, dans un double mouvement de conquête des branches vers le haut et des racines vers le bas. Ce n’est que lorsque ces racines touchent le sol qu’elles commencent à s’y enfoncer. En chemin, tout comme les branches, elles s'agrippent et s’entortillent autour du tronc de l’arbre jusqu’à le recouvrir entièrement et le tuer, d’où le nom « d’étrangleur ». Rien à voir donc, de prime abord, avec le Ficus caria, ce petit arbre buissonnant au tronc tortueux qui aurait été un des premiers fruitiers à avoir été domestiqué par l’espèce humaine dans le bassin méditerranéen. Enfin, pour ajouter encore à cette confusion, certains arbres qui n’appartiennent même pas au genre ficus portent aussi le nom de figuier, le plus célèbre étant le figuier de Barbarie, cactus mexicain dont les fruits auraient rappelé aux Espagnols la forme des figues qu’ils connaissaient si bien. Entre le cactus et le figuier, aucun autre rapprochement possible.
Quant aux figuiers du genre ficus, ce sont en fait leurs fruits, systématiquement appelés figues, qui les lient entre eux. Leur particularité est qu’ils ne sont pas précédés de fleurs : ces dernières se trouvent en fait à l’intérieur des figues, souvent par dizaines ou centaines. C’est dire que, techniquement, les figues ne sont pas des fruits, mais des sycones, ou faux-fruits, réceptacles dotés d’un trou qui s’ouvre à maturité en dégageant un parfum capable d’attirer les insectes pollinisateurs dans ce microscopique jardin floral. Les figuiers ont ainsi poussé très loin l’art du mutualisme, en ne rendant les fleurs accessibles qu’à des pollinisateurs de taille et de forme terriblement précises. Cet échange de services se révèle absolument nécessaire pour le ficus, ses fleurs sans corolles n’étant pas de taille pour compétitionner avec l’exubérance de celles des autres espèces. Ainsi, Ficus carica ne peut être pollinisé que par l’hyménoptère blastophage, en échange d’un service « hôtelier ». La petite guêpe s’introduit en effet dans la figue pour y pondre ses œufs avant de mourir. Le figuier « cultive » alors les larves, qui se nourrissent de fleurs stériles jusqu’à ce que, après quelques mues successives et une fécondation par les mâles, les hyménoptères femelles se lancent à nouveau dans le vent, transportant au passage le pollen du ficus, avec lequel l’arbre n’a pas manqué de les enduire à la sortie, vers d’autres figues. Une fois pollinisées, les fleurs du figuier donnent naissance à des fruits minuscules, qui ne sont autres que les pépins. Ce sont alors les oiseaux qui se chargent du reste : en faisant festin, ils dispersent les graines et le figuier achève un cycle de reproduction pour le moins complexe et fascinant. Il n’est pas inutile de noter que, comme bien d’autres plantes, le figuier commun a trouvé un autre pollinisateur de taille. Il s’agit, bien entendu, d’Homo sapiens sapiens, qui en échange, a élevé le figuier au rang d’ami non seulement alimentaire, mais aussi symbolique. Le figuier fait ainsi partie des cinq arbres fruitiers de la Terre promise. À une époque où le sucre n’existait pas encore, la figue était le « fruit doux » par excellence. Son étymologie serait d’ailleurs liée à la racine grecque du mot « sucre ».
RESSOURCES ADDITIONNELLES:
« Le figuier étrangleur » dans Ambrose, Jamie et al. Flora. Un fascinant voyage au cœur du monde végétal, Montréal, Éditions MultiMondes, 2019, pp. 40-41.
« Figuier » dans Chevallier, Andrew et al. Encyclopédie des plantes médicinales. 550 plantes médicinales et leurs usages thérapeutiques, Montréal, Publications Modus Vivendi, coll. Sélection Reader’s Digest, 2014, p. 209.
Pelt, Jean-Marie. « Chapitre XII, Un faux fruit : la figue », dans Des fruits, Paris, Fayard, 1994, pp.168-181
RÔLE(S) DE LA PLANTE DANS LE(S) RÉCIT(S):
Alimentaire
« Le merle, à peine dérangé, mange méthodiquement la figue. Il a fait un trou et vide l’intérieur, grain à grain. À un moment, il ne reste plus que la peau. Comme la figue est un peu flétrie et molle sur son attache – “cou tordu” dit-on –, le jardinier pense qu’elle est idéalement mûre. Il tend la main et ne trouve qu’une baudruche vide. Le loriot élit domicile dans le cerisier tant qu’il y a des fruits. » (Tout jardin est Eden, 92)
Esthétique
« Si la maison est là, on plante au nord le muguet et l’hortensia. S’il y a un figuier, un noyer, tout en se gardant bien de rester ou de dormir dans leur ombre où il pleut des maléfices, mais où l’on entrepose la bouteille d’eau […]. » (Tout jardin est Eden, 23-24)
ROMANS DANS LE(S)QUEL(S) LA PLANTE EST RÉPERTORIÉE:
Je vois des jardins partout
Tout jardin est Eden
« Un chemin sinuant entre de grands arbres conduisait vers le fond d’une sorte de vallée. On y descendait par paliers, par cercles concentriques bordés de prêles, d’ail des ours et de fougères, Phyllitis scolopendrium que j’aime pour sa ressemblance avec certaines algues, l’incontournable fougère aigle Pteridium aquilinum, la majestueuse Osmunda regalis escortée d’iris violets jouant les poissons pilotes, et la plus fascinante, la plus belle de toutes, l’arborescente Dicksonia antartica. » (Je vois des jardins partout, 172-173)
FOUGÈRE
AUTRE(S) NOM(S) USUEL(S): -
NOM LATIN: Filicophyta
DESCRIPTION:
Sous-genre des végétaux vasculaires, ce qui signifie qu’elles possèdent des vaisseaux conducteurs transportant la sève, les fougères seraient parmi les plus vieilles plantes du monde. Des espèces datant d’il y a plus de 400 millions d’années auraient d’ailleurs fait partie des végétaux qui ont formé plusieurs des grands gisements mondiaux de charbon. Aujourd’hui, il y en aurait pas moins de 13 000 espèces, la vaste majorité concentrée sous les climats tropicaux, bien qu’elles foisonnent aussi dans les forêts des climats plus froids et qu’on en retrouve jusque dans l’archipel arctique. Si les fougères préfèrent en général les zones humides et boisées, certaines espèces poussent aussi à découvert, comme la fougère grand aigle (Pteridium aquilinum) et la fougère foin (Dennstaedtia punctilobula). Elles se définissent surtout par leurs feuilles persistantes qu’on appelle frondes et par un mode de reproduction atypique. En effet, les fougères sont des plantes sans fleurs : pour se reproduire, elles utilisent des spores, situées dans de petites capsules sous les frondes. Ces capsules, en s’ouvrant, « catapultent » les spores vers de nouveaux sols, où elles vont germer et constituer une feuille minuscule en forme de cœur, le prothalle, disposant de tout aussi minuscules racines. C’est sur ce prothalle, fougère réduite au strict minimum, que se produit la reproduction sexuée. Et contrairement aux plantes à pollen, c’est ici l’eau qui vient jouer le rôle d'entremetteur. En effet, les gamètes mâles sont emportés par ruissellement vers les gamètes femelles, d’où vont émerger des fougères adultes. Bien qu’en général, les fougères soient des plantes terrestres, une certaine partie de ces vénérables végétaux sont épiphytes, c’est-à-dire qu’ils usent d’un autre organisme comme support pour croître sans pour autant lui nuire. Il existe même des espèces aquatiques, regroupées sous la classification d’Hydroptéridales, dont les spores sont contenus dans des sporocarpes, organes globuleux chargés de protéger leur reproduction.
Les fougères sont profondément liées à l’imaginaire des forêts où elles prolifèrent. Dans l’imaginaire slave, par exemple, existerait une plante aux fleurs dotées de propriétés magiques (ce qui est impossible, puisque le sous-genre filicophyta ne produit pas de fleurs) qui n’écloraient qu’à la nuit du solstice d’été. Il semble aussi qu’elles aient fait l’objet, dans l’Angleterre de l’époque victorienne, d’une véritable frénésie botanique, exprimée autant dans les revues savantes, les herbiers personnels et les arts décoratifs.
RESSOURCES ADDITIONNELLES:
« Fougère », dans L’Encyclopédie Canadienne, [En Ligne], Fougère | l'Encyclopédie Canadienne.
« La fougère », dans Les plantes sous la loupe - Animateur nature, [En ligne], Les fougères sous la loupe.
« Fougères - Indigènes », dans Fougères boréales, [En ligne], Fougères indigènes Laurentides, Estrie, Montréal
RÔLE(S) DE LA PLANTE DANS LE(S) RÉCIT(S):
Botanique
« On vit un sous-bois se garnir de fougères à crosses blondes, un bassin se peupler de grenouilles riant aux éclats et de l’éclair orangé des carpes koï, on vit des rosiers monter à l’assaut d’une pergola, d’un poirier, d’un vieux puits, et des clématites les défier à la course, allongées, étirées, roulant d’un flanc sur l’autre comme les nageuses en maillots bleus d’un 4 x 100 mètres nage libre, on vit s’élever des bouleaux, des pommiers, des cornus portant leurs ramures en nuages, des acers au feuillage de feu, un ginkgo biloba, le plus vieil arbre du monde, dont la famille existait déjà quarante millions d’années avant les dinosaures.” (Je vois des jardins partout, 222-223)
«Les vipérines colonisent les plaines d’Adélaïde. Magnifique. On signale une avancée de la petite brize dans les gorges de Georgetown et partout la valériane d’Europe tapisse les coteaux abrupts de Tasmanie. Superbe. Continuez à nous tenir informés, dites-nous où en sont les digitales, les molènes, les fougères-aigles, l’ajonc, le pâturin mais aussi l’armoise de Sibérie en Espagne, le rosier de Chine au Chili, le pavot de Californie en Nouvelle-Zélande, l’acacia d’Australie au Cap et la caulerpe en Méditerranée.» (Thomas et le voyageur, 175)
Esthétique
« Daã marche entre les bouleaux serrés et les érables, les trembles, les pruches. Là où elle passe, il n’y a pas de sentier. Les troncs des épinettes sont hérissés de branches mortes qui griffent ses joues et sa gorge; les fougères frémissent, fermées comme des poings de bébé sous les vinaigriers. » (Blanc Résine, 235)
« À sept cents mètres, la falaise s’incurve en un plateau vallonné, couvert d’arbres où s’ouvrent de vastes clairières. Ce n’est plus le mur de roches noires, ni les torrents obstrués par les lianes et les fougères arborescentes. Ici, la terre est rouge, argileuse, les grands arbres poussent librement, fromagers, arbres à pain, palmier de l’espèce cycas. » (Raga, 36)
« J’avais rapporté de la forêt plusieurs souches de fougères. Elles se sont implantées dans la serre. J’ai admiré aujourd’hui les jeunes crosses en passe de se dérouler, vertes, fraiches comme des mille-pattes enroulés sur eux-mêmes. […] Elles m’ont transportée loin – je suis restée longtemps à les regarder tandis que le jour dans les sheds du toit perdait peu à peu de son intensité –, je me surprends à aimer ces moments où je ne fais rien, rien d’autre qu’être là et regarder. » (Le pays où les arbres n’ont pas d’ombre, 248)
« Ils observèrent tous trois la carcasse du cargo, avec son étrave inclinée et sa cheminée tordue. Les ponts supérieurs étaient entièrement recouverts par la végétation, les lianes formaient une épaisse chevelure grise qui ruisselait de la proue à la poupe. Les arbres qui le couronnaient étendaient leurs racines jusque dans les moindres structures de la passerelle. Les rares bastingages subsistants n’étaient plus que des fils rouillés de rouille torsadés, apparaissant ici et là dans les fougères qui colonisaient en groupes serrés le château arrière du géant momifié. » (Mort sur la forêt, 231)
Pratique
« Il y a des danses traditionnelles sur la place devant l’église, comme devant le nakamal, avec des tambours en racines de fougères ». (Raga, 30)
ROMANS DANS LE(S)QUEL(S) LA PLANTE EST RÉPERTORIÉE:
Je vois des jardins partout
Raga
Blanc Résine
Thomas et le voyageur
Mort sur la forêt
Le pays où les arbres n’ont pas d’ombre
« Taros, ignames, kava / À Raga, il y a la magie des plantes. Raga, comme beaucoup d’îles volcaniques, Tahiti, Martinique, Maurice, la Réunion, est avant tout le pays des plantes. » (Raga, 63)
IGNAME
AUTRE(S) NOM(S) USUEL(S): -
NOM LATIN: Dioscorea spp.
DESCRIPTION:
L’igname, parfois confondue avec le manioc et la patate douce, rassemble les plantes distribuées sous le genre Dioscorea de la famille des Dioscoreaceae. Le genre tient son nom de Dioscoride, médecin, pharmacologue et botaniste grec qui vécut entre les années 20 et 40 du calendrier chrétien; quant à “igname”, ce nom viendrait du portugais “inhamé”, emprunté à la langue bantoue, et serait dérivé du terme « manger ». Bien qu’on appelle aussi parfois ignames ou fausses ignames un ensemble de plantes appartenant aux genres Colocasia, Alocasia et Xanthosoma, ces dernières sont en fait souvent des taros. Connue pour ses tubercules farineux et alimentaires enveloppés d’une écorce épaisse, cette plante a des origines troubles. On reconnaît aujourd’hui qu’il y avait probablement des plantes du genre Dioscorea endémiques dans presque toutes les zones tropicales bien que, dans les Amériques, peu d’espèces aient fait l’objet d’une domestication humaine. Les variétés aujourd’hui consommées se sont néanmoins presque toutes répandues lors de voyages humains. En Océanie, les Mélanésiens, qui se déplaçaient d'île en île, la glissaient dans les canots; les esclaves africains en emportaient souvent pour survivre à la traversée de l’Atlantique, geste qui avait aussi une portée symbolique. D’un point de vue botanique, Dioscorea est une plante grimpante, vivace, volubile, et dioïque, c’est-à-dire que les plants produisent des fleurs d’un seul sexe. Il y en aurait plusieurs centaines d’espèces, certaines comestibles, d’autres toxiques. D’autres, encore, demandent à être préparées de manière à éliminer cette toxicité, qui vient de la présence en plus ou moins grande quantité de dioscorine dans la plante. L’espèce d’igname la plus cultivée est le Dioscorea alata, igname ailée ou grande igname. Elle est originaire du Sud asiatique, mais connue sur la côte orientale africaine et à Madagascar bien avant les débuts du colonialisme européen. L’igname a joué et continue de jouer un rôle important dans les imaginaires humains. Les Igbos l’utilisent lors de la fête qu’ils dédient à la déesse de la fertilité; sur l’Île de Wallis de Polynésie occidentale, l’igname et sa culture jouent un rôle important dans l’organisation sociale (Chave-Dartoen, 2010).
RESSOURCES ADDITIONNELLES:
Alexander, J. « La domestication des ignames : un problème multi-disciplinaire », dans Higgs E.S., Brothwell, D., Science in archeology, vol. 2, 1971, pp. 229-234.
Chave-Dartoen, Sophie. « Ignames, enfants des hommes. Horticulture et reconduction du social à Wallis (Polynésie occidentale) », Journal de la Société des Océanistes, 130-131, 2010, pp. 145-160.
Dumont, R., Marti, A. (dir.) Panorama sur l'igname: ressource millénaire et culture d'avenir, Montpellier, Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement, 1990.
Complément de l'encyclopédie moderne : Dictionnaire abrégé des sciences, des lettres et des arts, Paris, Firmin Didot frères, 1857.
RÔLE(S) DE LA PLANTE DANS LE(S) RÉCIT(S):
Alimentaire
« Duplan de Montaubert avait accordé une lèche de terre sur le pourtour des cases où tout un chacun pouvait mettre en terre ignames, gombos, pois d’Angole, persil, oignon-pays ou patates douces. Il n’existait aucune délimitation entre les minuscules portions de jardin de chacun mais tous savaient qui avait planté quoi et à quelle date untel devait récolter tel légume. » (Commandeur du sucre, 186)
« Elle pense aux champs qu’elle ensemencera, au taro et à l’igname qu’elle enfouira dans la terre, et qui se multiplieront pour lui donner à manger. » (Raga, 23)
« [Penoa] partit dans la mer, et avant de partir promit de revenir avec la nourriture que mangent les vrais humains […]. Elle tint promesse en apportant toutes ces nourritures, l’igname, la racine de taro, les bananes et même du gibier, qu’elle fit cuire sous la terre après avoir allumé le feu. » (Raga, 68)
Économique
« À l’heure qu’il était, et bien que le devant-jour n’ait point tout à fait établi son empire sur le monde, Éléonore devait marcher à grand ballant en direction de Grand-Bourg, son énorme panier debout droit sur sa tête. Des fruits-à-pain, des ignames, des couscouches, des choux de Chine et des grappes de mandarines y avaient été rangés avec précaution la veille au soir. » (Commandeur du sucre, 37-38)
Symbolique
« Ils ont déraciné les arbres, terrassé, épierré, tracé les drains, allumé les feux qui achèvent de nettoyer le sol. Ensuite ils ont enterré les pierres magiques […] les pierres à ignames, les pierres rouges pour les taros, les graines de calebasse, de chou, de giraumon. Sur la hauteur, dans une clairière, ils ont établi le premier arbre à pain. Dans un verger, ils ont planté le jacquier, l’anone, le jamlongue, l’oranger. Ils ont semé les graines de litchi, les ambrevades, le piment. » (Raga, 65)
« Pour les ignames, les hommes du peuple Sa ont inventé le Gol, un étrange rituel qui fait parler d’eux dans le monde entier. Une fois l’an, après la récolte, avant l’ensemencement des champs, les hommes du village construisent une tour en branchages autour d’un grand arbre et affirment leur virilité en plongeant, la tête première, les bras ouverts en ailes d’oiseau, les chevilles liées par deux lianes souples attachées au sommet de la tour qui arrêtent leur chute au moment où ils vont toucher le sol. La terre ainsi labourée par la poitrine des hommes donnera naissance à de nouvelles racines. » (Raga, 72)
ROMANS DANS LE(S)QUEL(S) LA PLANTE EST RÉPERTORIÉE:
Raga
Commandeur du sucre
« Il fait aussi découvrir à Alexandre et à Bonpland des orchidées exotiques, récemment importées. Certaines pendent des branches d’arbre qui leur servent de support, d’autres, aux pétales plus charnus et dont l’un se creuse et se conque, poussent dans l’humus, fleurs presque irréelles, tant à cause de la savante construction de leur corolle qu’à cause de la profondeur ou de la délicatesse de leurs couleurs. Ici, la fleur semble éclater dans l’air, faisant oublier la tige, peu visible, qui la porte. Ce prodige est particulièrement saisissant avec l’orchidée épiphyte, qui vient sur un arbre auquel, se nourrissant seulement de l’humidité de l’atmosphère, elle ne doit rien; elle pend au bout d’un pédoncule qui peut passer pour une brindille desséchée appartenant à la branche en dessous de laquelle la fleur se déploie. » (Humboldt l’explorateur, 52)
ORCHIDÉE
AUTRE(S) NOM(S) USUEL(S): Orchis
NOM LATIN: Orchidacea
DESCRIPTION:
Les orchidées sont aussi économes en ressources que prodigues en formes et en couleurs. Regroupant près de 27 000 espèces confirmées, la grande famille des orchidaceae se retrouve sous presque toutes les latitudes, même si elle se concentre principalement (mais pas exclusivement) dans les régions tropicales. Elle est terrestre ou épiphyte, c’est-à-dire qu’elle pousse sur d’autres organismes végétaux sans pour autant les parasiter, parfois même grimpante. Connue et prisée pour ses fleurs souvent étonnantes, l’orchidée tient pourtant son nom des deux tubercules souterrains de certaines espèces des régions plus tempérées. En effet, orchidée vient du latin orchis, lui-même dérivé du grec, qui signifie « testicules ». Mal nommée, elle est pourtant une famille de plantes fascinantes sous nombre d’aspects. Maître incontesté de l’imitation, l’orchidée, pour se reproduire, exhibe un véritable feu d’artifice floral. Elle a en effet développé autant d’apparences qu’il y a d’insectes pollinisateurs, spécialisant ses formes : imitation de pucerons, pièges colorés, longs cols destinés aux trompes les plus fines, etc. Elle parvient en effet à déployer cette étrange beauté par une série de mécanismes qui lui permettent d’économiser l’énergie nécessaire à un tel flamboiement : symbiose de ses racines avec des champignons minuscules, système de photosynthèse qui fixe le carbone durant la nuit, réduction du nombre d’étamines au minimum, présence de labelle, ce troisième pétale modifié imitant la morphologie des pollinisateurs (et leur servant aussi de piste d'atterrissage). C’est d’ailleurs cette « langue » qui rend la fleur si caractéristique par son asymétrie.
Dans l’histoire des sciences, l’orchidée a joué un rôle clé. C’est en observant une orchidée étoile-de-madagascar au long col et son papillon pollinisateur, le Xanthopan, que Darwin comprit que certaines espèces évoluent ensemble. Il lui dédia l’un de ses plus célèbres ouvrages : De la fécondation des orchidées par les insectes. Vénérée en Chine depuis des millénaires, l’orchidée rare a motivé nombre de voyages d’exploration. Elle a toujours fasciné les botanistes : symbole de l'étrangeté végétale, de la luxuriance et de l’exotisme (du moins dans l’imaginaire occidental), elle est aussi la fleur par excellence de l’érotisme. Confucius aurait d’ailleurs déclaré: « L’Orchidée – fleur aphrodisiaque – exhale la douce senteur des joies de l’amour. » (cité dans de Trazegnies, p.14) À noter : l’orchidée est intersexe. Elle possède à la fois pistils et étamines, bien qu’elle ne puisse s’autoféconder grâce à deux traits évolutifs qui en assurent par le fait même la diversité génétique. D’une part, un petit renflement empêche pistils et étamines d’entrer en contact ; d’autre part, le pollen de l’orchidée est trop dense et trop collant pour être accidentellement déposé dans la fleur par le vent. Pour se reproduire, elle a donc absolument besoin d’un insecte. Et pour croître, d’un champignon.
RESSOURCES ADDITIONNELLES:
Ambrose, Jamie et al., « Des leurres et des impostures » dans dans Ambrose, Jamie et al. Flora. Un fascinant voyage au cœur du monde végétal, Montréal, Éditions MultiMondes, 2019, pp. 266-267.
« La famille de l’orchidée » dans Ambrose, Jamie et al. Flora. Un fascinant voyage au cœur du monde végétal, Montréal, Éditions MultiMondes, 2019, p. 355.
De Trazegnies, Pascale et Djohr (ill.). Ô orchidée! : de Confucius aux White Stripes, Paris, Flammarion, 2018.
Nature Gate. « Famille de l’orchidée, Orchidaceae », dans Fleurs, [En ligne], http://www.luontoportti.com/suomi/fr/kukkakasvit/?c=orchidaceae
RÔLE(S) DE LA PLANTE DANS LE(S) RÉCIT(S):
Botanique
« Il découvre aussi, chemin faisant, une très belle orchidée, le Cymbidium violaceum, et apparemment plus communes, des orchidées Habenaria augustifolia. Il n’identifiera ces fleurs que beaucoup plus tard, en consultant des ouvrages sur la flore américaine ; pour le moment, leur anonymat leur donne un caractère providentiel et l’irremplaçable éclat de la fleur dont avant vous, personne n’a connu l’existence. » (Humboldt l’explorateur, 91)
« Cependant, s’agitant spasmodiquement, le pollen attaché à ses poils se répand sur le stigmate humide de la fleur, qui se trouve ainsi fécondée. […] C’est qu’il va, s’épuisant sans jamais obtenir son plaisir, de fausse abeille en fausse abeille, lesquelles ne sont à chaque fois que le labelle d’une orchidée qui a mis des millénaires à parfaire sa stratégie, une véritable supercherie mimétique. » (L’amour au jardin, 24)
Esthétique
« Si la plupart des cimetières sont des gavroches en blouses grises, quelques-uns se donnent des postures de collèges anglais avec leurs chrysanthèmes violets ou bordeaux qui se prennent pour des blazers d’uniformes, les bruyères et les hébés en guise de cravates club, les arums, lys et glaïeuls, évoquant le blanc amidonné des chemisiers que viennent ponctuer des orchidées comme autant de broderies aux dessins compliqués et gracieux. » (Je vois des jardins partout, 194)
ROMANS DANS LE(S)QUEL(S) LA PLANTE EST RÉPERTORIÉE:
Je vois des jardins partout
Humboldt l’explorateur
L’amour au jardin
« Parfois on cultive l’humour : la tomate jaune, la framboise et l’aubergine blanches, la courgette ronde. Parfois l’étrange : un rosier sans épines, un autre tout velu d’épines douces, une rose bleue. Et puis toujours des fleurs. On leur donne une bordure, un coin, on les installe en sentinelles aux orées. Le lys de ma fille, les vases du curé, la communion solennelle, les tombes, le muguet de mai dont on sait, dès les boutons, à qui on l’offrira, les immortelles des saisons sans fleurs fraîches. Elles sont une mémoire des vivants et des morts. » (Tout jardin est Eden, 44-45)
ROSIER
AUTRE(S) NOM(S) USUEL(S): Églantier, Trémière
NOM LATIN: Rosa, Rosaceae
DESCRIPTION:
Le rosier, ou rosa, est une famille d'arbustes sarmenteux, ce qui signifie que sa tige souple s’aide de support en poussant. Il est cultivé pour ses fleurs colorées à cinq pétales, les roses, et redouté pour ses épines. Il y en aurait pas moins de 150 espèces indigènes classifiées, en plus de nombreuses formes hybrides créées soit par croisements naturels, soit par croisement humains. On appelle ces derniers « cultivars », pour cultivated varieties, et « rosiers botaniques » les sous-espèces sauvages utilisées pour leur capacité à solidifier les bâtiments en s’y agrippant ou encore pour des motifs ornementaux. Le rosier est une plante très adaptative, très résistante aux maladies et très facile d’entretien, en plus de produire des fleurs simples, belles et odorantes à la fin du printemps et au début de l’été sous les climats tempérés. La rose est surtout vendue en bouquet ; elle sert également à la parfumerie et la production de cosmétiques. Elle s’est forgée une place dans le monde humain depuis plus de 5000 ans, notamment en Chine et en Perse (c’est d’ailleurs en Chine qu’on trouve le plus de variétés endémiques), puis en Europe, sous l’impulsion de l’impératrice Joséphine, qui en cultive près de 200 plants au château de Malmaison. Symbole de ce qui est à la fois beau et rêche, délicat et féroce dans les imaginaires du monde, le rosier porte aussi le nom d’églantier.
RESSOURCES ADDITIONNELLES:
« Description botanique », dans Roseraie Valdermarne, [En ligne], https://roseraie.valdemarne.fr/description-botanique
« Types de rosiers », dans Carnet horticole et botanique, [En ligne], http://m.espacepourlavie.ca/types-de-rosiers
« La famille de la rose », dans Ambrose, Jamie et al. Flora. Un fascinant voyage au cœur du monde végétal, Montréal, Éditions MultiMondes, 2019, p. 404.
« Rosier rouge ou Rosier de Provins », dans Chevallier, Andrew et al. Encyclopédie des plantes médicinales. 550 plantes médicinales et leurs usages thérapeutiques, Montréal, Publications Modus Vivendi, coll. Sélection Reader’s Digest, 2014, p. 261.
Groult, Jean-Michel et Franck Boucourt. Histoires de roses: la reine des fleurs au fil du temps et du monde, Uchacq-et-Parentis, Planfor, 2016.
RÔLE(S) DE LA PLANTE DANS LE(S) RÉCIT(S):
Botanique
« — C’est un rosier, dit Francia.
— Crois-tu? s’étonna une autre “cinquièmesaisonnière” en considérant les hampes qui portaient des grappes de tout petits boutons d’un rouge éclatant. Ça ressemble furieusement à des fraises des bois.
— C’est parce qu’il est encore en bouton.
— Alors que tous les autres rosiers sont en fleurs? Voire déjà largement défleuris? fit Élisabeth qui, pour être grande amatrice d’abricots, n’en est pas moins grande connoisseuse (comme disait la marquise de Sévigné) des roses. » (Je vois des jardins partout, 122)
« Personne ne l’a planté, personne ne sait même qu’il existe. Il a dû naître par hasard, d’une graine tombée d’un cynorhodon, déposée ici par le vent ou par un oiseau – je parierais pour un merle, une linotte ou un geai. On retint l’hypothèse du geai : sous son bec, il possède une poche dans laquelle il stocke les graines qu’il récolte ; ce n’est pas une poche façon pélican, mais il peut tout de même y fourrer trois ou quatre glands – alors pourquoi pas une graine de cynorhodon? Comme chacun sait, le cynorhodon est le fruit du rosier. Son nom vient du grec kunorhodon. Je ne dis pas ça pour faire mon érudit, que d’ailleurs je ne suis pas, mais parce que, une fois n’est pas coutume, on échappe au latin : cynorhodon, qu’on peut traduire par “rose de chien” (il était supposé guérir de la rage), est un des quelques termes botaniques qui découlent du grec, comme les ptéridospermaphytes (plantes vasculaires éteintes qui vécurent du Dévonien supérieur au Carbonifère supérieur). Mais pour briller en société, il suffit de se rappeler que c’est du cynorhodon que les fabricants de farces et attrapes tirent le poil à gratter. » (Je vois des jardins partout, 123-124)
Esthétique
«Avez-vous conscience de ce que vous entraînez en affirmant que Rosa moschata est aussi bien à Santiago qu’au Sichuan, et même peut-être mieux? Comment voulez-vous que je m’en sorte alors que, chez moi, ce rosier a pour territoire un arpent de grave […]?» (Thomas et le voyageur, 49)
«Je me pare pour la fête en fixant des branches autour de mon front, et des trémières, et un plume rousse trouvée entre les roches, je noue ma couronne d’une lanière de cuir, dessine un masque sur mes paupières: trait de charbon, large de deux doigts, qui raye mon visage d’une tempe à l’autre.» (Blanc Résine, 78)
Pratique
« Dès que nous l’avons croisée, nous nous sommes arrêtés devant la maison effondrée, à deux cheminées. Une ancienne (1815) ferme engoncée dans un jardin en friche, à proximité d’un verger livré à ses pommes [...] Jacob et moi contemplons la ruine emmitouflée dans la végétation. On enlèverait rose et ronces, les murs s’écrouleraient [...] pour arriver jusqu’à l’une des entrées, on doit se glisser entre les épais ronciers noirs de mûres cuites au soleil. N’en mange pas trop ». (Comment faire une danseuse avec un coquelicot, 164)
Économique
« […] en dépit des soins maternels dont elle l’entoura, le petit rosier ne fleurit pas. Ni cette année-là, ni les suivantes. Mais il continua à produire une profusion d’adorables boutons coniques, épais et manifestement gorgés de vie, qui cependant refusaient obstinément de s’ouvrir.Il n’en était pas moins une si ravissante petite chose que Francia décida de prendre le risque de le multiplier et de le commercialiser sous ce nom de Fraise des Bois qui le décrit si bien. Grâce à l’entremise d’Alain Baraton, jardinier en chef du Domaine national de Trianon et du Grand Parc de Versailles, le baptême officiel de Fraise des Bois eut lieu dans L’orangerie du Petit Trianon, à l’endroit même où le célèbre Bernard de Jussieu s’occupait, entre autres, de répertorier les variétés de fraises dont le roi Louis XV était si friand. » (Je vois des jardins partout, 125-126)
Ludique
« J’ai si bien grandi dans ce jardin de Bagatelle que ses rosiers m’ont servi de toise : on mesurait mes bouffées de croissance à l’intensité de mes éternuements quand les arômes des fleurs titillaient mon odorat – car plus je poussais en taille, plus mon nez se rapprochait du cœur des roses que je humais avec extase. […] À l’occasion d’une crise plus sévère que les autres, on analysa mes sécrétions nasales, où l’on découvrit que la quantité de pollen que mon nez avait aspirée aurait été suffisante pour féconder plus d’une cinquantaine de rosiers. Ma mère s’en affola (n’allait-il pas me sortir des narines un rosier Bonne Nouvelle, un Sutter’s Gold ou un Eden Rose?) tandis que mon père, fier (et hilare) de mes talents de pollinisateur potentiel, ne m’appelait plus que son petit bourdon. » (Je vois des jardins partout, 29)
ROMANS DANS LE(S)QUEL(S) LA PLANTE EST RÉPERTORIÉE:
Je vois des jardins partout
Tout jardin est Eden
Comment faire une danseuse avec un coquelicot
Blanc Résine
Thomas et le voyageur
« Je me demande pourquoi le mépris vient si facilement à la bouche dès qu’on parle de la pomme de terre. Un tubercule dont le plus grand crime a été de sauver quelques pays européens de la famine. Un vrai gâchis parmentier pour parler comme le prince de Motordu. » (Comment faire une danseuse avec un coquelicot, 96)
POMME DE TERRE
AUTRE(S) NOM(S) USUEL(S): Patate
NOM LATIN: Solanum tuberosum
DESCRIPTION:
Plante largement sous-estimée, la pomme de terre, aussi connue sous le nom de patate, est le tubercule le plus mangé du monde. Issue d’une plante de la famille des solanacées, Solanum tuberosum, elle est cultivée dans plus de 150 pays. D’un point de vue botanique, Solanum tuberosum est une plante vivace aux feuilles caduques (qui tombent en saison froide) pouvant atteindre 1 mètre de hauteur. Malgré ce qu’on pourrait croire, il ne s’agit pourtant pas d’un légume racine ; le tubercule de la pomme de terre est un prolongement souterrain et transformé de la tige. Il existe une très grande variété de pommes de terre dans le monde, bien que la mondialisation ait réduit cette diversité comme peau de chagrin en sélectionnant une poignée d’entre elles pour satisfaire à la demande mondiale des restaurants de fast-food.
Originaire des Andes où elle a été domestiquée il y a plus de 10 000 ans, la papa aurait joué un rôle clé dans l’expansion des Incas ; en effet, les méthodes de préservation développées par ceux-ci, qui s'apparentent à la lyophilisation, ont grandement facilité les déplacements d’un bout à l’autre de l’Empire. D’abord ridiculisée par les Conquistadores, qui la nomment « testicule de terre », la pomme de terre est introduite en Europe avant de se répandre progressivement partout dans le monde. Son ascension au rang des plantes mondiales n’est pas aussi fulgurante que celle du sucre, du café, du caoutchouc et autres « monarques agricoles », selon l’expression de l’historien Eduardo Galeano (Les veines ouvertes de l’Amérique latine, 1971) ; il n’en demeure pas moins que l’histoire de ses relations avec l’espèce humaine est, si l’on en croit Jean-Marie Pelt, « un extraordinaire roman à épisodes où chaque avancée se trouve sanctionnée par quelque avatar imprévu » (Pelt 1993, 37). En effet, la pomme de terre fait d’abord reculer la famine dans le « Vieux continent » avant d’en devenir une des causes. À travers les ravages causés au tubercule par la maladie de la pomme de terre, l’humanité découvre les dangers de la monoculture.
La patate, dans les imaginaires humains, a toujours été reliée à la terre ; elle est conséquemment très proche de la figure des gens de peu, particulièrement des paysans. Aujourd’hui, cette plante emblématique des cultures autochtones des Andes, où elle avait été délaissée dans le sillon du colonialisme, fait un retour en force qui symbolise aussi la réaffirmation d’une culture millénaire.
RESSOURCES ADDITIONNELLES:
Galeano, Eduardo, Les veines ouvertes de l’Amérique latine : une contre-histoire, trad. Claude Couffon, Paris, Pocket, 1971.
Gouvernement du Canada. « La biologie du Solanum tuberosus L. (pomme de terre) », [En ligne], http://www.inspection.gc.ca/vegetaux/vegetaux-a-caracteres-nouveaux/demandeurs/directive-94-08/documents-sur-la-biologie/solanum-tuberosum-l-/fra/1330982063974/1330982145930
« Pomme de terre: Description botanique », [En ligne], http://bacteries-champignons.blogspot.com/2011/12/pomme-de-terre-description-botanique.html
Pelt, Jean-Marie. « La pomme de terre », dans Des légumes, Paris, Fayard, 1993, p.45-5.
RÔLE(S) DE LA PLANTE DANS LE(S) RÉCIT(S):
Alimentaire
« À mesure humaine la maîtrise du soleil, de l’eau et même du vent auquel on peut faire un rempart ou que l’on peut créer : d’un balai de genêts cette femme hors d’âge agitait l’air immobile pour féconder ses melons. Ce que l’on peut faire pour quelques arbres – soigner chaque pied d’un pinceau, sulfater à la main dans un nuage bleu, faire fuir l’oiseau prédateur –, ce qui est possible pour quelques rayons de pomme de terre - cueillir et écraser chaque doryphore – ne l’est plus pour des milliers d’arbres ou des champs entiers. » (Tout jardin est Eden, 11-12)
« J’ai remarqué qu’ils [les végétaux] poussaient plus vite et en plus grand nombre aux alentours de l’usine alimentaire. On y trouve des plantes qu’on ne s’attendrait pas à voir se développer ici. J’ai par exemple relevé la présence d’un plant de poivrons, de nombreux plants de tomates, des feuilles de pommes de terre (en grattant un peu le sol, on s’aperçoit qu’elles poussent à partir de simples épluchures qui ont germé), ces cotylédons de cucurbitacées, arrondis, striés de blanc et recouverts d’un duvet rêche. » (Le pays où les arbres n’ont pas d’ombre, 48)
Esthétique
« Le regard sur le jardin est une succulence. Par éclairs, dans les feuillages brillent la fraise et la groseille en grappes. Le craquant, l’aqueux, le sucré, le tendre des oignons apparaissent au moment où, à la suite de leurs queues vertes, ils émergent à peine de terre ou quand, arrachés, ils sèchent quelques jours au sol et brillent de toute leur soie. La gousse des fèves, pointée comme un gros doigt, la tomate qui blanchit avant de rougir, les tubercules de pommes de terre imprévisibles sous le plant jaune, la courge d’août déjà astrale, l’indécent sexe d’âne de l’aubergine, le pistil turgescent et doux de la courgette, les tiges rutilantes presque diaboliques de la rhubarbe et de la betterave, le lever de soleil en miniature des radis sont gourmandises de tout à l’heure ou de demain, déjà éprouvées par l’œil. » (Tout jardin est Eden, 99-100)
ROMANS DANS LE(S)QUEL(S) LA PLANTE EST RÉPERTORIÉE:
Tout jardin est Eden
Comment faire une danseuse avec un coquelicot
Le pays où les arbres n’ont pas d’ombre
«Dans le langage des fleurs, l’ortie symbolise la trahison, et pourtant je ne connais pas de plante plus fidèle, ou loyale, et quoi encore? Plus constante. L’ortie est une culture à haut rendement, peu de perte, peu de prédateurs, trois récoltes par an. Les jeunes pousses se cueillent le matin à la lune montante. [...] Pour une récolte artisanale, dans les bois ou les terrains vagues, on peut couper les tiges à mains nues, en les pinçant à la commissure, juste sous un groupe de feuilles.» (Le palais des orties, 76)
ORTIE
AUTRE(S) NOM(S) USUEL(S): -
NOM LATIN: Urtica spp.
DESCRIPTION:
Mal-aimée en raison des poils urticants qui recouvrent ses feuilles, l’ortie, ou urtica, a pourtant de nombreuses vertus, autant médicinales qu’alimentaires. Non seulement ses feuilles dentées sont-elles toniques et anti-inflammatoires, mais l’ortie est également un excellent engrais végétal. Il semble qu’elle soit prescrite depuis plus de 2000 ans en traitement externe pour soigner les piqûres de scorpions et les morsures de serpents. Ses fibres, qui rappellent le chanvre, ont été utilisées pour le tissage par les Écossais et les peuples scandinaves avant qu’elle ne soit remplacée par le lin et le coton. Séchée, elle est un excellent fourrage. Les Autochtones d’Amérique du Nord l’utilisaient pour fabriquer cordes, arcs et vêtements. En Europe, l’ortie est préparée en soupe et en salade, un traitement à l’eau lui permettant de perdre ses poils urticants, aussi pointus qu’une aiguille, aussi fragiles que du verre et qui servent d’abord et avant tout à l’empêcher d’être dévorée ou piétinée par la faune. Les poils contiennent en effet une substance chimique « brûlante » dont le composé renferme plusieurs substances actives : sérotonine, acétylcholine, histamine, etc. Au moindre contact, ils se brisent, libérant la substance sur les jambes imprudentes. Avant la mécanisation de l’agriculture, l’ortie résistait d’ailleurs de cette manière aux défricheurs américains. Les chevaux refusaient souvent de s’aventurer dans les colonies denses, laissant autant de mètres non cultivés - espace de résistance de l’ortie.
L’ortie est un genre de la famille des Urticacées qui prolifère dans les terrains en friches, les sous-bois et les terrains vagues, trouvant dans les espaces limitrophes ou interstitiels de l’urbanité un terreau très fertile. C’est une herbacée vivace qui peut atteindre jusqu’à deux mètres. Il y en aurait entre trente et cinquante espèces, bien que les botanistes ne s’entendent pas sur leur classification. On la retrouve dans les zones tempérées, surtout en Europe et en Amérique, à la fois sous des formes indigènes et importées, ce qui en fait un genre « subcosmopolite ». Les plus connues sont la grande ortie, l’ortie brûlante et l’ortie dioïque, son nom venant du fait qu’elle porte les deux sexes en même temps. La reproduction de l’ortie dioïque se fait d’ailleurs par « explosion » de capsules renfermant le pollen, ainsi libéré dans le vent.
L’ortie a son folklore. Elle a donné naissance à de nombreux proverbes et dictons. En France, on dit par exemple d’un moine qui a renoncé à ses vœux « qu’il a jeté son froc aux orties ». Désirer une chose avidement, c’est être « ortillé d’elle ». « Pisser ou marcher sur les orties » signifie être de mauvaise humeur. « Être sur les orties, c’est ne pas tenir en place. » L’ortie est d’ailleurs peut-être l’incarnation végétale de l’idée qu’il faut savoir flatter les êtres dans le sens du poil pour parvenir à ses fins.
RESSOURCES ADDITIONNELLES:
Allais, Daovy. « L’ortie dioïque », Actualités pharmaceutiques, vol. 48, no. 490, 2009, pp. 53-55.
« Les feuilles irritantes » dans Ambrose, Jamie et al. Flora. Un fascinant voyage au cœur du monde végétal, Montréal, Éditions MultiMondes, 2019, pp. 156-157.
« La famille de l’ortie » dans Ambrose, Jamie et al. Flora. Un fascinant voyage au cœur du monde végétal, Montréal, Éditions MultiMondes, 2019, p. 405.
Bertrand, Bernard. Les secrets de l’ortie, Escalquens, Éditions Terran, 1995.
« Ortie dioïque », dans Chevallier, Andrew et al. Encyclopédie des plantes médicinales. 550 plantes médicinales et leurs usages thérapeutiques, Montréal, Publications Modus Vivendi, coll. Sélection Reader’s Digest, 2014, p. 145.
Flowers, Frankie et Bryce Wylde. « Nettle », Power Plants. Simple Home Remedies You Can Grow, Toronto, Harper Collins, 2014, pp. 203-209.
Lacasse, Odette. « Ortie dioïque », Plantes médicinales et aromatiques de nos jardins, Saint-Constant, Broquet, coll. Jardins d’aujourd’hui, 1994, pp. 52-57.
« Ortie dioïque » dans Fleurbec. Plantes sauvages des villes et des champs et en bordure des chemins 2, Saint-Augustin, Fleurbec, 1983, pp. 26-29.
RÔLE(S) DE LA PLANTE DANS LE(S) RÉCIT(S):
Alimentaire
« En quelques années, à force de manger en salade nos colonies de pissenlits et de pourpiers, de faire des beignets de fleurs de plantain, des soupes d’orties et des omelettes d’oseille sauvage, mon père finit tout de même par avoir raison du chiendent, lequel commença à se donner des airs de prairie policée sinon de véritable gazon. » (Je vois des jardins partout, 214)
Esthétique
« Il faut imaginer une campagne modeste, légèrement défigurée, sans exagération. Au fond de la vallée, notre vallée, s’élèvent des bâtiments entourés d’orties. Il ne s’agit pas d’une ferme abandonnée. Les orties, c’est nous qui les avons plantées. Les orties, c’était mon idée. » (Le palais des orties, 9)
« Une jeune fille se tient au milieu du chemin. Une jeune fille, noyée dans le vert cru des champs d’orties. » (Le palais des orties, 10)
« Nous avions créé une merveille. Un parfum qui reproduisait exactement l’odeur de la campagne après la pluie.
Une odeur d’herbe coupée, confirma Marie-Claire. [...]
La campagne après la pluie ou l’herbe coupée? Ce n’était pas la même chose, mais je comprenais ce qu’ils voulaient dire. Il y avait dans notre d’ortie une force modeste capable de réveiller les souvenirs. » (Le palais des orties, 246)
« Je rentre de la montagne hérissée de tempête. Dessous les tresses je protège mouches, cocottes, semences d’ortie, aiguilles tombées des hauts pins. » (Blanc Résine, 87)
Pratique
« En automne, j’ai récupéré une grande quantité d’orties aux abords de la Zone. Les orties sont un bon activateur de compost. J’ai aussi arraché autant d’herbe que j’ai pu. Je mélange le tout avec des feuilles mortes que je ramasse dans la friche. Avec les restes de nos repas du soir […], cela fait au total plus de 150 litres de compost. […] C’est peu, mais suffisant pour recouvrir un petit carré sous la verrière est. Au printemps, j’y installerai mes premières vraies cultures. » (Le pays où les arbres n’ont pas d’ombre, 116)
Médicinal
« Avant de revenir sur ses pas, elle a construit une cache de sapinage pour ranger ses outils et n’avoir plus à les porter si loin, puis elle a repris le chemin à l’envers, notant en pensée l’emplacement des bardanes, gaillets, aubépines, orties, valérianes pour des collectes moins hâtives. » (Blanc Résine, 236-237)
« Daã apprête la tisane sans laisser le choix des plantes infusées. Elle puise dans ses pots, mélange ortie et houblon, menthe, gingembre, citronnelle. » (Blanc Résine, 260)
« Au bout de plusieurs heures de recherche, j’ai pu rapporter du fenouil, des feuilles de framboisier et d’ortie […] Nous préparons chaque soir une infusion […] Le fenouil favorise la lactation, et les feuilles apportent les minéraux que notre alimentation ne nous offre pas, du fer et des vitamines pour l’ortie, du calcium pour les framboisiers. […] Astrid a de nouveau du lait. » (Le pays où les arbres n’ont pas d’ombre, 15)
Économique
« Je raconte à Fred comment la transition s’est opérée. Au tout début, j’ai commencé par ramasser des orties dans les terrains vagues autour de la carrière, autour de l’ancien lavoir et dans la forêt. J’en ai fait des soupes que je vendais directement à la ferme. [...] Je me suis rapidement constitué une clientèle qui habitait de plus en plus loin, et j’ai dû aller de plus en plus loin pour trouver les orties, tant et si bien qu’on a décidé avec Simon de planter un premier champ, un deuxième, enfin toutes les prairies ont été reconverties. L’ortie aime les terrains déséquilibrés, saturés en azote et c’est exactement ce dont nous avons hérité : une terre faite de crottes, de fientes et de crottins. Nous sommes aujourd’hui à la tête d’un empire vert [...] » (Le palais des orties, 44)
« Le purin d’ortie, c’était toute une autre histoire que Simon aimait raconter aux clients. Au début des années 2000, sa commercialisation avait été interdite dans l’Hexagone. Celui qui en vendait, en détenait ou même en diffusait la recette risquait deux mois de prison ferme et une grosse amende. Utilisé directement sur le sol ou en pulvérisation, il stimulait la croissance des plantes et, de manière préventive ou curative, luttait contre les pucerons, les doryphores, ainsi que de nombreuses maladies. » (Le palais des orties, 107)
ROMANS DANS LE(S)QUEL(S) LA PLANTE EST RÉPERTORIÉE:
Je vois des jardins partout
Le pays où les arbres n’ont pas d’ombre
Blanc Résine
Le palais des orties
« Sauvageons bleus d’avril, Apaches horticoles, lilas frisottés Rachida ou Ginette, iris ourlés Maurice ou Karim, libres sans engrais, magnifiques sans le savoir, je vous regarde aussi. » (92)